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temoignage : chevalier caldwell
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Source : www.bahai-biblio.org
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Caldwell
Histoire d'un Chevalier de Bahá'u'lláh
de 1954 à 1991
Sommaire
1) EPOQUE 1
2) EPOQUE 2
3) EPOQUE 3
4) EPOQUE 4
5) EPOQUE 5
6) EPOQUE 6
7) EPOQUE 7
8) EPOQUE 8
9) EPOQUE 9
10) EPOQUE 10
11) EPOQUE 11
12) EPOQUE 12
EPILOGUE
1) EPOQUE 1

Notre première tâche fut d'envoyer un télégramme à Shoghi Effendi, indiquant l'heure et la date de notre arrivée, à laquelle il répondit, "Prières affectueuses vous entourent." Nous sortons finalement de l'obscurité pour émerger dans la lumière! Une confusion totale régna dans le bureau des télégraphes d'Unalaska lorsque nous envoyâmes de ce coin isolé du monde, le premier câble international et reçûmes la réponse d'Israël!

A notre arrivée, je fus accueilli sur les docks par la question suivante d'un missionnaire local, "Etes-vous chrétien, monsieur ?" à laquelle je répondis, "oh oui, et aussi musulman et bouddhiste, monsieur." Ma remarque troubla infiniment cette chère personne qui raconta aux autres que nous étions venus leur enlever le Christ et que nous n'étions pas des chrétiens. Qu'est-ce qu'un chrétien ? Je crois que c'est celui qui aime et adore le Christ vivant et s'efforce avec tout son coeur de suivre Ses enseignements, qui sont les enseignements de Dieu.

Avec amour et tendresse, Bahá'u'lláh nous a conduits à la fontaine des enseignements chrétiens, et à l'adoration de cet Esprit béni de Dieu, Jésus Christ. Je rendis plusieurs fois visite à ce missionnaire pour le convaincre de la nécessité pour nous de montrer l'harmonie, l'amour et l'unité de base de la religion de Dieu. Il soutenait que j'en avais uniquement après les membres de sa congrégation, qui étaient tout au plus trois ou quatre personnes.

Il me fit finalement comprendre que je n'étais pas le bienvenu dans son église, même pas pour prier avec eux. Dieu sait que j'ai fait tous les efforts possibles pour établir l'amour, l'harmonie et l'unité entre nous. Mais je ne reçus en retour de mes efforts que la pire forme de diffamation. Je souffris en silence, et tournai mon coeur et mon âme vers Dieu, l'Aide suprême. La vie de ce missionnaire prit fin un beau jour calme et ensoleillé où il partit dans son petit bateau en mer. Le bateau se renversa et il se noya. Cela survint la quatrième année de notre arrivée sur l'Ile.

La diffamation et la haine dirigées contre nous avaient atteint leur paroxysme. Nous réussîmes néanmoins à louer une maison et mîmes en oeuvre la perspective de nous installer sur la terre Aléoutienne de façon permanente. Je trouvai du travail comme agent de sécurité et ramasseur de poubelles dans le bar local, Elaine lavait les verres de bière sales. Mais je quittai ce travail dès que le missionnaire m'accusa d'en priver un pauvre

autochtone.

Nous commençâmes donc notre premier hiver en ayant comme unique ami, le maire de la ville, sans travail ni aucune perspective d'en avoir, sans revenus, une maison exposée au vent qui y soufflait continuellement. Je passais mes journées à pêcher pendant que ma femme s'occupait des enfants, coupait du bois de flottaison pour le fourneau et faisait la lessive comme elle le pouvait à la main.

Aussi surprenant que cela puisse paraître, nous étions glorieusement plus heureux à l'époque que nous ne l'avions jamais rêvé ; nous étions intimement unis et très proches. Les soirs, lorsque les enfants dormaient, nous priions très fort, nous avions appris la valeur et la réalité du vrai mariage spirituel.

Je voudrais partager avec vous le secret d'un mariage réussi. Comme le dit ma femme, le plus grand psychiatre ou conseiller conjugal, c'est le livre de prières. J'ai découvert une grande sagesse auprès d`Abdu'l-Bahá. Comme nous le savons tous, dans ses enseignements, Bahá'u'lláh nous dit que lorsqu'une erreur a été faite, on doit la corriger, c'est la raison pour laquelle le divorce est permis, `Abdu'l-Bahá, dans ses éclaircissements, dit qu'après une année de séparation, si l'amour n'a pas été rétabli, le divorce peut être accordé, mais alors "Gare à celui qui en est la cause." Si une erreur manifeste a été faite et que deux personnes sont incompatibles, personne n'est en cause, aucun des deux mariés n'a alors rien à craindre de la malédiction de Dieu.

Prenons une situation typique de la vie : ma femme est en colère et m'assène un coup de poêle sur la tête. A mon tour de me fâcher et de me ruer hors de la maison en claquant la porte, qu'elle s'empresse de fermer derrière moi. Avant d'arriver au bout de notre pâté de maison, cet avertissement, "Gare à celui qui en est la cause" , fait battre mon coeur. Je fais le voeu de ne pas être celui qui serait responsable de l'échec de notre mariage. Par conséquent, je retourne à la maison. Ma femme, animée des même pensées, a déjà ouvert la porte. Je vous le demande, comment peut-on avoir des problèmes dans le couple si les deux partenaires aiment et craignent Dieu si entièrement que chacun des deux fait plus de la moitié du chemin vers la solution de leurs problèmes ? Louange et grâces soient rendus à Dieu pour la sagesse d`Abdu'l-Bahá !

"Comment pouvez-vous prétendre croire sans vouloir être testé ?" "Avec le feu, nous éprouvons l'or." Si l'or ne subit pas l'épreuve du feu, comment pourrait-il être débarrassé de ses impuretés mettant ainsi en évidence l'or pur et resplendissant du coeur humain. L'hiver de cette année de l'E.B. 109-110 (1954), qui tirait à sa fin, fut le plus rude qu'on ait connu au cours des dix années qui suivirent.

J'avais construit un petit bateau d'à peu près quatre mètres de long pour aller pêcher. Mais quand les éléments de la nature se déchaînèrent, mon bateau devint inutilisable. A la fin de notre deuxième mois sur les Iles Aléoutiennes, nous avions de la neige jusqu'aux avant-toits de la maison. J'étais dans le salon en train de raccommoder un vieux filet de pêche usé que j'y avais accroché et que j'avais déjà déchiré et raccommodé. Entre le salon et la cuisine, nous avions suspendu une couverture pour contenir dans la cuisine, pour ma femme et les enfants, le peu de chaleur produite par notre petite cuisinière au bois. Le vent froid qui soufflait dans le salon était si rigoureux et glacial qu'au bout de chaque quinze minutes, je devais abandonner mon ouvrage pour aller me dégeler dans la chaleur de la cuisine. De la sorte, mon filet restait suspendu inachevé.

Au cours de cette période, nous avions écrit au Gardien au sujet de la quasi-pénurie alimentaire que nous connaissions et de l'absence de toute promesse de travail sans toutefois mentionner le fait que nous n'avions plus d'argent non plus. Mais dans cette atmosphère infaillible divinement inspirée qu'il baigne, Shoghi Effendi était en mesure de lire entre les lignes de notre correspondance et tendre la main vers - non seulement nous mais tous les autres à travers le monde qui nous ont raconté leurs histoires, pour nous relever, nous épousseter, en nous envoyant les encouragements susceptibles de nous guider comme nous en avions si cruellement besoin. Tel était notre cas à cette époque.

Nous reçûmes une lettre d'Amatu'l-Bahá signée par Shoghi Effendi nous demandant d'accepter de l'aide de l'Assemblée spirituelle nationale des Etats-Unis. Après avoir dit des prières par lesquelles nous nous sommes profondément interrogés, nous répondîmes en argumentant que nous ne voudrions pas prendre de l'argent d'un fonds auquel nous désirions très fort contribuer. Pour nous, cela était inconcevable, nos coeurs débordant de joie et de gratitude, nous suppliâmes d'avoir la force de faire ce sacrifice pour servir d'exemple à notre famille baha'ie qui se trouve sur le front intérieur, afin qu'ils puissent suivre nos pas et éponger définitivement ce déficit qui faisait continuellement ombre aux glorieuses victoires enregistrées.

Le problème de subsistance atteignit bientôt son point culminant. Un jour, Elaine (qui marche dans la voie spirituel d'un pas pratique) attira mon attention sur le fait que nous n'avions plus d'argent, presque plus de nourriture, et qu'il serait impossible de tenir le coup jusqu'à la fin de l'hiver. Nous nous assîmes ensemble

cette nuit-là dans un esprit de prières et de méditation tel qu'en y pensant encore aujourd'hui, mon âme en est transportée. Nous primes la décision de commencer à nous rationner dès le lendemain. Comme les enfants ne participaient pas à cette prise de décision, ils seraient nourris normalement, Quant à Elaine et moi, nos repas seraient rationnés pour que nos réserves durent jusqu'au printemps.

Comment pourrais-je décrire la joie et le bonheur de cette nuit-là ? Mon âme chantait et mes pensées, au moment où je m'endormais, étaient qu'enfin, il m'était possible de sacrifier quelque chose pour mon Bien-Aimé, Encore aujourd'hui où j'écris ces mots plusieurs années plus tard, ce désir de sacrifice n'a pas été satisfait. Ainsi, je peux en toute confiance dire qu'il est impossible de sacrifier quoi que ce soit pour la Cause de Dieu. Tout juste parce qu'on en a fait l'effort, des myriades d'océans de bienfaits sont déversées sur vous. C'est mon expérience qui me permet de dire ces mots qui ne découlent pas simplement d'un idéalisme exalté. Quoi qu'il en soit, la tempête se calma au cours de la nuit et trois longs mois rigoureux plus tard, le calme revint totalement.

Le lendemain matin, je fus réveillé par des coups frappés à la porte. En allant ouvrir, je trouvai en face de moi le superintendant du Standard Oïl Company, située sur l'Ile voisine d'Amaknak (mieux connue sous le nom de Dutch Harbour). Il m'expliqua que la tempête avait emporté les fils électriques. Il avait appris que j'étais ingénieur en électricité et voulait savoir si je voudrais bien être employé à les réparer, J'acceptai immédiatement, demandai à Elaine de préparer le petit déjeuner - et ainsi se terminèrent nos rations de famine avant même qu'elles n'eussent commencé.

Il me restait pourtant une autre forme de famine à satisfaire eu égard à la cause de Dieu. Il me fallut expliquer honnêtement au superintendant que l'ingénieur en électronique que j'étais, avait été formé pour dessiner des circuits d'ordinateur, et non pas pour travailler sur le terrain mais que j'étais sûr de pouvoir faire le travail... Ce que je fis, même si au début, j'ai mis les pôles à l'envers, n'en ayant jamais vu auparavant.

De ce premier travail à Dutch Harbour. je passai à un autre et ainsi de suite. Quand finalement le printemps arriva, j'avais fini de creuser les tranchées et d'enterrer les fils électriques dans toute l'Ile Amaknak. En outre, au cours du printemps, tous les bateaux de pêche remontaient vers le nord et il semblait que tous ces bateaux qui passaient dans notre baie, avaient quelque chose de cassé qu'il fallait réparer. Je me fis une réputation de bon réparateur qui fut propagée par les ondes, tant et si bien que, rapidement, j'avais plus de travail que je ne pouvais en gérer. Ce premier automne fut notre point le plus bas sur l'échelle économique et depuis, la courbe ne cessa de monter.

Notre plus beau cadeau au cours de ces premiers mois fut de loin l'assurance reçue d'Amatu'l-Bahá que l'esprit qui nous animait avait rendu le Gardien heureux. Pour ma part, ce fut le plus grand accomplissement de ma vie; grâce à Dieu, l'Aide suprême, nous avons fait la dernière volonté d`Abdu'l-Bahá en touchant par un peu de bonheur le grand coeur de Shoghi Effendi, dont le battement radieux était en harmonie avec la cause de Dieu. Lorsque Sa cause connaissait des victoires, il était heureux et quand il était informé des cas de division, de défaite et d'actions négatives de la part des croyants, il devenait si malheureux qu'il en était incapable de manger.

A chaque Bahá'í d'aujourd'hui et de demain, je veux dire ceci du fond du coeur : que chacun de nous lutte de tout son coeur et de toute son âme pour être véritablement et réellement un Bahá'í dans ses pensées et ses actes. Ainsi, non seulement ne salirons-nous plus jamais la robe blanche immaculée de la Perfection Bénie, mais également, nous comblerons de bonheur et de délices cette emblème unique de Dieu, Shoghi Effendi, dans le royaume de gloire où il demeure actuellement.

Un autre incident démontre comment Shoghi Effendi gardait toujours son doigt sur le pouls du monde. Après avoir prié et consulté, nous avions décidé de proclamer ouvertement la foi aux cinquante familles qui vivaient dans notre coin du globe. Personne d'autre que ma femme et moi n'était au courant de notre projet.

Une fois encore, sortie des nuages, une lettre de Shoghi Effendi nous parvint disant ce qui suit : Ne faites aucune proclamation ouverte du message de Dieu dans cet endroit ; attendez d'avoir confiance en eux et de gagner leur confiance puis progressivement confirmez-les dans la Cause de Dieu. Oh, nos louanges et remerciements montèrent vers Dieu pour le don radieux qu'Il nous a fait de la sagesse de notre Gardien. Mon coeur bat d'émerveillement et d'étonnement, car maintenant, en regardant en arrière, je peux honnêtement affirmer que si nous avions ouvertement fait une proclamation de Son message à l'époque, on nous aurait chassés de l'île et les portes auraient été fermées pour longtemps. Ainsi, grâce à l'intervention et à la sagesse de notre bien-aimé

Shoghi Effendi, les portes restèrent ouvertes et au fil des ans, nous prîmes profondément racines. La haine céda la place à la tolérance, la tolérance à l'acceptation et finalement l'amour et le respect mutuels s'établirent. Même aujourd'hui, ces peuples aléoutiens connaissent très lentement la confirmation dans la cause de Dieu.

2) EPOQUE 2

L'été de 111 E.B. (1955) fut une période d'intenses activités. Nous avions besoin d'un meilleur logement pour la famille. Comme nous avions fait tout ce voyage en bateau uniquement dans le but de servir la cause de Dieu, nous nous sommes dit, pourquoi ne pas construire un centre Bahá'í qui nous servirait de logement dans le présent et à la Foi dans le futur ? Nous achetâmes un lopin de terre pour $ 150 dans le meilleur coin de ville et trois vieux bâtiments de l'armée à $ 2.50 chaque, et nous mîmes au travail. Nous savions que si nous voulions rester sur place tout le long de la Croisade des Dix ans, nous devions nous assurer un travail permanent. Nous montâmes donc une entreprise de conserve de poisson. Disposant d'un filet de 64 mètres, d'un petit bateau de pêche, d'une vieille base militaire abandonnée qui nous a été accordée, ma femme et moi démarâmes en étant les seuls employés de l'entreprise.

Nous commencions la journée à 4 heures du matin et la terminions entre 10 et 10. 30 heures du soir. La journée se déroulait de la manière suivante : je sortais du lit à 4 heures du matin pour partir en mer dans mon petit bateau. Lorsque je trouvais un banc de poissons, je jetais mon filet que je tirais ensuite jusqu'à terre afin de le charger sur mon bateau et retourner à la conserverie. Entre-temps, Elaine habillait les enfants, nettoyait la cabine, lavait les couches et autre lessive dans l'eau qu'elle prenait dans la rivière. Pendant que je portais les saumons sur mon dos jusqu'à la conserverie, elle préparait le petit déjeuner. Le petit déjeuner pris, je me mettais à nettoyer les poissons et Elaine faisait la vaisselle, après quoi elle partait avec les enfants chercher du charbon.

Envoyer les enfants, qui étaient alors âgés de cinq, trois et un ans, chercher du charbon, valait de loin mieux que d'engager quelqu'un pour les garder. Lorsqu'après la guerre, l'armée dut quitter l'Ile, ils avaient enfoncé le charbon en excès dans le sol en roulant dessus avec leurs bulldozers. La tâche des enfants consistait à gratter le sol pour déterrer ce charbon. Il est aisé d'imaginer la quantité de charbon qu'ils arrivaient à ramasser. Les garçons jouaient plutôt au loup ou construisaient des châteaux de sable. Ils mettaient ainsi toute la journée à remplir un seau qui pouvait normalement être rempli en dix minutes. Mais la présence du seau qu'il fallait remplir les empêchait de trop s'éloigner !

Quand Elaine en finissait avec les enfants, elle me rejoignait dans la conserverie pour couper les poissons qu'elle disposait dans les boîtes de conserve. Ensuite, je finissais le travail par diverses opérations qui consistaient à sceller les boîtes à la main sous vide et à faire cuire les conserves sous pression. Avec nos quarante-deux caisses, soit 2016 boîtes de conserve de saumon fabriquées la première année, nous venions de créer une industrie. Je faisais parallèlement du travail en électronique et chaque sou gagné était réinvesti dans le centre Bahá'í et la conserverie.

La première fois qu'il nous fallut utiliser notre salle de bain à la conserverie fut une expérience bien amusante et intéressante. Non loin de la conserverie, du coté de la mer, se trouvait un vieux bassin. Pour gagner du temps et dépenser le moins d'énergie, j'eus l'idée de creuser un trou dans le dock et d'y construire une, dépendance. L'endroit était vraiment magnifique - la vue s'étendait au-delà de la baie sur les montagnes, et parfois, on voyait mêmes des requins, des dauphins et des otaries nageant dans l'océan à la recherche du nourriture. J'aménageai également deux trous dans le but qu'ils servent à deux enfants à la fois afin qu'Elaine eût moins à courir.

En théorie et pour la belle vue, tout était parfait. mais en pratique c'était tout autre affaire ! Mais voyons ce qu'il en est pratiquement. Pour commencer, les deux sièges furent un échec à cause du climat venteux et après la première utilisation de mon chef-d'oeuvre par Elaine, il me fallut aller clouer une nouvelle planche sur le deuxième trou. Le vent qui soufflait de la mer venait balayer le dock arrachant le papier disposé sur l'un des trous, lequel était happé par l'autre trou d'où il ressortait en vous frôlant la tête au passage avant de s'envoler par la porte.

Quant à la belle vue, personne n'eut jamais l'occasion d'en profiter, car, le vent venant de la Mer de Bering apportait dans notre coin toilette une douche froide gratuite. Je vois encore mon épouse partir comme une flèche vers la dépendance, tenant deux gamins par la main de chaque côté, les cheveux au vent. la tête rejetée en arrière, filant dans le vent. Elle essayait de répondre au besoin urgent des enfants, courant comme une gazelle dans le désert. Je suis sûr que si le primitif en elle n'avait pas cédé le pas au moderne, elle aurait été capable de soutenir les compétitions olympiques les plus acharnées et s'en serait toujours sortie en tête.

En l'an 112 ·E.B·. (1956), ma femme attendait un bébé et le centre médical le plus proche se trouvait à Anchorage à 1280 km. I1 n'y avait ni médecin ni infirmier dans notre ville. J'étais d'autant plus préoccupé du bien-être de ma femme que pour les trois premières grossesses elle avait bénéficié du meilleur suivi médical. A peu près à la même période, je reçus une offre d'emploi dans mon ancienne branche, l'électronique, assortie d'un choix entre les villes d'Anchorage, Kodiak et Fairbanks. Cette offre semblait être une réponse à nos prières, car en plus du salaire confortable et d'une indemnité de coût de vie de 25 % proposé, nous bénéficierions d'une couverture médicale, du logement et du transport gratuits. Il me suffisait de signer un contrat d'un an pour obtenir tout cela.

Le Gardien nous avait demandé de n'abandonner notre poste sous aucun prétexte, sauf en cas de force majeure, Mais avant de prendre toute décision nous devions lui écrire en lui expliquant en détails nos raisons. Conformément à cette recommandation, je m'assis pour étaler sur le papier tout ce que me dictait mon coeur ; j'expliquai les difficultés financières qui m'empêchaient d'envoyer ma femme accoucher à l'hôpital, la proposition d'emploi, qui nous permettrait de revenir un an plus tard avec suffisamment d'argent pour nous installer pour de bon. Si j'avais eu la capacité d'anticiper, je n'aurais jamais écrit cette lettre. J'étais absolument certain que Shoghi Effendi allait nous dire de partir (avec sa bénédiction) mais grâce à Dieu, il n'en fit rien. L'essentiel de sa réponse était qu'il préférerait que nous restions sur place. Mon coeur fut instantanément apaisé par sa réponse, Elaine aussi était heureuse parce qu'elle avait envie d'accoucher dans des conditions naturelles.

Je suis satisfait de la volonté de Dieu - ma satisfaction cache dans ses profondeurs un océan de bonheur sans limites ! Hélas, seuls ceux d'entre nous qui se plongent complètement et sans réserves dans cet océan peuvent connaître l'existence des trésors cachés dans ses profondeurs. Je n'ai le moindre espoir de dire ni d'écrire un seul mot qui puisse toucher aucun autre coeur par cette vérité. Tout ce qu'il m'est possible d'ajouter dans mon état actuel de saisissement, d'adoration et d'amour complets devant les bienfaits de Dieu, est, "Gloire, Gloire, Gloire à Toi, Seigneur !" Aucune louange ne peut jamais exprimer adéquatement la gratitude due au plus petit de Ses bienfaits infinis et encore moins au plus grand don de satisfaction face à Sa volonté et à Son plaisir.

Me sentant entièrement indigne de vous décrire, cher lecteur, comment je ressentais la proximité de Dieu, j'eus l'idée d'en finir avec ce travail et de détruire mon manuscrit. Si tous les bâtons du monde étaient transformés en stylos et tous les océans en encre, et toute l'humanité en écrivains; il nous serait encore impossible d'élucider la moindre manifestation de cette réalité. Pourtant, si impuissant et incapable que je sois, une force irrésistible que je ne peux expliquer ni comprendre, m'oblige à continuer car je dois raconter cette histoire jusqu'au bout. Mon plus cher espoir est que vous priez pour moi et que vous soyiez indulgents pour mes défauts afin que je me réjouisse d'apporter un peu de bonheur et de lumière dans vos coeurs. Si je peux arriver à cela, mes efforts n'auront pas été vains.

Pour l'accouchement, nous nous sommes assurés les services d'une sage-femme indigène, de très loin plus compétente que nombre de docteurs en médecine. Nos voisins nous portaient désormais un respect et une admiration sans réserve. Elaine allait accoucher dans les mêmes conditions que les femmes du pays. A cette période de l'histoire de l'humanité, le miracle de la naissance d'une nouvelle vie était relégué au niveau d'une routine hospitalière efficace, froide et stérile, comme nous l'avions expérimenté lors de la naissance de nos trois premiers garçons. Quand ma femme me disait que les douleurs commençaient, ma réaction consistait à la conduire vite à l'hôpital.

Là, on l'emmenait dans le dédale de ce grand édifice, vers quoi, je n'en savais rien. Il m'était néanmoins évident que si les docteurs et le personnel de l'hôpital ne pouvaient pas l'assister, ce n'était pas moi qui pourrais le faire. Par conséquent, je me retrouvais dans une salle d'attente à lire, somnoler ou autre, ignorant tout de l'effarant drame qui se déroulait. Plus tard, une infirmière venait m'annoncer que j'avais un fils, que je pouvais apercevoir à travers la vitre d'une grande paroi si j'en avais envie. Quant à ma femme elle se reposait et on m'informait que je pourrais aller la voir le lendemain.

Cette fois-ci, j'étais avec ma femme, il m'était impossible de la quitter des yeux. Elle s'accrochait à ma main. Elle avait si désespérément besoin de moi, et je réalisais combien j'avais si désespérément besoin d'elle. Les battements de mon coeur n'avaient jamais atteint les profondeurs qu'ils atteignaient alors, tant l'amour, la tendresse et par-dessus tout, la compassion que je ressentais pour ma femme, étaient profonds. Notre mariage était une belle réussite, aussi bien sur le plan spirituel que physique. Cet accouchement aurait-il duré plus longtemps, mon coeur aurait défailli et je me serais évanoui à coup sûr.

Le bébé naquit dans sa poche d'eau. Ma femme m'assura que cet accouchement fut plus facile que les trois précédents. Dieu nous donna la fille que nous désirions, à qui nous donnâmes le nom de Layli, du nom de l'héroïne du conte rapporté dans Les Sept Vallées , selon lequel, l'amoureux chercha n'importe où sa bien-aimée dans l'espoir de la trouver. Layli, (celle qui est pure d'esprit), arriva dans notre vie comme un signe de reconnaissance de notre obéissance. Dans les quelques minutes qui suivirent sa naissance, je la tenais dans les mains. J'observais ce visage précieux et minuscule, elle était belle du fait d'être née dans la poche d'eau.

Mon coeur se gonfla de prières de remerciement et de gratitude et du plus profond de mon âne, je suppliais Dieu de l'accepter comme une vraie servante de Sa cause. A peine cette prière fut-elle exprimée dans mon coeur que je vis cette petite face s'illuminer d'un sourire si radieux que j'eus comme la confirmation que ma prière avait été entendue. Je savais cependant qu'elle avait un effort personnel à faire pour parvenir à cette glorieuse destinée.

Je portai ensuite ma femme, que j'aimais plus entièrement et tendrement que jamais, dans son propre lit; où je lui donnai notre nouveau et précieux paquet de pure lumière spirituelle. Je ne pouvais rêver d'aimer davantage ma femme, et au fil des années, cet amour ne put que s'approfondir et le jour où il cesserait n'est pas près de se lever.

Un jour où je décris tout ceci à un ami Bahá'í très proche, il dit "Caldwell, je n'y comprends rien ! Quand ma femme met au monde un bébé, elle met au monde un bébé, c'est tout - mais dès qu'il s'agit de ta femme, cela devient une expérience spirituelle !" Depuis, j'ai maintes fois réfléchi à cette remarque. Si j'avais été capable de prévoir cette gigantesque expérience spirituelle qui m'avait si profondément secoué, je n'aurais jamais écrit au Gardien pour lui demander la permission de partir. Non seulement l'enfant de mon obéissance était né, mais en plus, je n'aurais pas échangé ces précieux moments de l'accouchement de notre fille contre le monde entier et tout l'or qu'il contenait.

Je voudrais relater ici quelques incidents au centre desquelles se trouvaient nos enfants, survenus au cours de notre séjour à Unalaska.

Ma Layli Roshan, vers l'âge de deux ans, dit un soir où nous prenions notre dîner en parlant de Dieu, "Papa, je sais où Dieu se trouve"

Je lui répondis, "Chérie, Papa aimerait savoir"
"J'ai peur".
"N'aie pas peur, Papa ira avec toi."

Alors, elle descendit de sa chaise, prit ma main et me conduisit au salon où elle me montra la photo d'Abdu'l-Bahá en me disant, "voilà Dieu"

Notre fils aîné à cinq ans environ, regardant un jour par la fenêtre deux petits bateaux qui faisaient la course dans la baie, s'écria avec enthousiasme, "super ! venez voir la "race" humaine !"("Race" veut aussi dire "course" en anglais).

Les années passèrent. La conserverie s'était considérablement agrandie et en l'an 112 E.B. (1956-7). nous achevâmes la construction du centre baha'i. Le Gardien informé, considéra cela comme l'accomplissement d'un but auxiliaire de la Croisade de Dix ans. Au cours de cette année, un ange de Dieu nous rendit visite pour l'inauguration de centre, qu'il dédia au service de l'humanité. Il s'agissait de Florence Mayberry, que je rencontrai pour la première fois à Oklahoma.

Nos chemins se sont de temps en temps croisés depuis, et à chaque rencontre, j'avais le sentiment d'entrer en contact avec une étoile brillante qui remplissait mon coeur de lumière et de chaleur. Je la connais comme une personne dont chaque acte, chaque pensée, est dédiée au service de la cause de notre Bien-Aimé. Je pourrais volontiers mourir pour elle. Un autre événement important de cette période fut la traduction en langue aléoutienne de la prière, "Béni est le lieu", par un natif aléoutien Siméon Pletnikoff, qui devint plus tard baha'i. Le Gardien mentionna également cet accomplissement comme un but auxiliaire de la Croisade de dix ans.

3) EPOQUE 3

NOTRE GARDIEN, dans sa lettre du 30 juin 1952, avait averti les Bahá'ís du monde que suite à des troubles futures imprévisibles., ils auront à subir une épreuve résultant d'une séparation temporaire du coeur et du centre nerveux de leur foi... Nous les Bahá'ís du monde recevions directement des directives infaillibles de la source même de la nouvelle révélation de Dieu. A partir du jour où Sa Sainteté le Báb eut son tête-à-tête avec Mulla Husayn à qui, pour la première fois, il se révéla, jusqu'à ce jour fatal de l'E.B. 113 (5 novembre 1957), où notre bien-aimé Commandant en Chef, coeur de lion, plein d'abnégation, s'envola vers les royaumes des cieux, nous n'avions jamais été seuls, Ils ont toujours été là pour nous guider, à commencer par le Báb, puis Bahá'u'lláh, suivi par le Maître et finalement, le Gardien.

Je me rappelle très bien comment, à la réception de ce message, nous anticipâmes tous sur ce que cela pouvait signifier. Aucun tremblement de terre n'aurait pas un choc d'une telle ampleur que cette perte. Une perte imprévisible, qui nous donna le sentiment d'avoir été complètement abandonnés ! Oui, nous avions toujours le Gardiennat pour nous conduire encore pendant au moins 900 ans. Oui, nous avions toujours les plans pour les actions immédiates à mener, Oui, grâce à Dieu, nous avions ceux qui étaient nommés les Mains de la Cause de Dieu, ces vaillants généraux formés par Shoghi Effendi lui-même.

Pourtant, de 113 à 119 E.B. (1957-1963) - pendant six longues années atroces - cette séparation temporaire du centre de notre foi, comme l'avait prédit Shoghi Effendi lui-même, fut en vérité pour certains de nous, une séparation plus totale qu'on ne pouvait t'imaginer. Notre coeur s'est remis à battre finalement en 119 E.B. (1963) - à la formation de la première Maison universelle de Justice, lorsque le lien avec la divine infaillibilité fut de nouveau renoué.

A la réception du télégramme nous annonçant le décès de Shoghi Effendi, et nous basant sur les derniers messages qui nous étaient parvenus de sa part, ma femme et moi fîmes le voeu de lui rendre hommage à notre façon en accomplissant dans les moindres détails ses espoirs, ses désirs et ses dernières volontés qu'il voudrait nous voir accomplir. Après analyse sérieuse, il nous apparut clairement que nous faisions tout ce qui était en notre capacité. Pourtant, après avoir sincèrement prié et médité, nous nous entendîmes sur un point supplémentaire. Dans un message à la communauté américaine, le Gardien avait lancé l'appel aux Bahá'ís de raviver cet esprit pionnier qui nous avait poussés à nous lancer dans la glorieuse Croisade de Dix ans. Notre décision fut que je partirais aux Etats-Unis en vue de sillonner en long et en large les Etats dans l'unique but d'aider à faire renaître cet esprit chez les amis Bahá'ís.

Il n'est pas nécessaire de partir loin de chez soi dans un pays étranger pour être animé de cet esprit. Cette station peut être atteinte simplement et facilement. En voici la recette : placer la Cause de Dieu avant tout autre chose. C'est tout. On peut écrire des piles de volumes sur la question, mais ce ne sera que pour aboutir à cette simple proposition. La Cause de Dieu, d'abord et par-dessus tout.

Examinons maintenant cette proposition. On n'a pas besoin d'abandonner sa famille ni quoi que ce soit. En fait, la famille, le travail, et autres prennent une importance précieuse, puisqu'ils reposent tous sur cette fondation solide qu'est la Cause de Dieu. L'esprit pionnier n'est pas une question de position dans l'espace mais une attitude, une relation à notre Dieu. Je connais des soi-disant pionniers qui, partis à des endroits très éloignés, sont retournés chez eux, désillusionnés et découragés, car la Cause de Dieu n'était pas leur première motivation. D'autres pionniers, qui ne sont allés que dans des villes voisines, ont été si entièrement transformés et remplis de l'amour, de l'émerveillement et du pouvoir de Dieu que, lorsque je converse avec eux, j'ai l'impression d'avoir conversé avec des anges célestes.

Je partis pour mon voyage d'enseignement, laissant ma précieuse femme tenir la garde à la maison. Comme nous avions dépensé chaque sou que nous gagnions pour la construction de notre Centre Bahá'í ou le développement de notre conserverie, nous avions peu d'argent, mais comme le dit Bahá'u'lláh, Mets toute ta confiance en Dieu. Je dépensai tout l'argent dont je pouvais disposer pour acheter un ticket aller et retour pour Seattle. A mon arrivée à Anchorage, les amis Bahá'ís organisèrent des rencontres d'enseignement pour moi dans cette ville. Nous n'avions rien dit à personne sur nos conditions financières difficiles et encore une fois,nous avions refusé l'aide financière provenant des fonds Bahá'ís des Etats-Unis.

Malgré cela, une amie très aimable m'approcha en insista sur le fait qu'elle ressent la nécessité incontrôlable et inexplicable de m'aider financièrement. Dieu aide qui Il veut, toutes louanges à Dieu, le Seigneur de tous les mondes Je ne m'étendrai pas sur ce voyage puisque j'en ai parlé plus longuement ailleurs. il suffit de dire que son argent m'a servi à acheter une vieille voiture et une carte de crédit. Le coeur débordant d'amour pour Dieu, assuré du soutien de ma femme restée à Unalaska, je partis sur les routes en hommage à notre Gardien. Nous apprîmes plus tard que ce seul voyage stimula le départ de plusieurs nouveaux pionniers pour la dernière phase de la Croisade de Dix ans.

Au cours d'un autre voyage d'enseignement en 115 E.B. (1959), je parcourus l'Alaska et tout l'ouest du Canada en réponse à la suggestion des Mains de la Cause de Dieu résidant en Terre Sainte. Je portai une attention spéciale aux Indiens et aussi aux Iles Queen Charlottes. Je terminais ce périple en enseignant à l'école d'été Bahá'í de Geyserville, en Californie.

La conserverie continuait de grossir. Il nous était possible d'engager tous les locaux qui voulaient travailler, et nous tournions désormais sans interruption presque toute l'année.

Dans nos projets élaborés à cette grande conférence de Chicago en 109 E.B. (1953), il était question pour nous de participer à la fin de la Croisade de Dix ans à la Conférence mondiale qui devrait être tenue à Bagdad. Le lieu de la conférence fut transféré à Londres mais je crains que ma femme et moi soyons de piètres épargnants. En calculant ce que nous devrions avoir mis de côté au début de 119 E.B. (1963), l'année de la conférence, par rapport à ce que nous avions économisé durant toute la période de la Croisade de Dix ans, j'arrivai à la conclusion qu'il nous faudrait compter trente et un ans pour épargner les fonds nécessaires pour payer notre voyage.

Face aux divers temples à construire, en Amérique du Nord, en Afrique, en Australie et en Allemagne, à l'achat d'un terrain du temple en Alaska, aux différents fonds à alimenter en Alaska, au Centre mondial et ailleurs, il nous semblait que tout l'agent qui n'allait pas dans notre industrie ou dans notre fonds local, devait selon notre conscience aller à notre Foi bien-aimée.

Ma femme (sens pratique) et moi (sens spirituel) ne ruminions plus ce genre de question. Nous décidâmes de faire le voyage. Et tout naturellement, nous nous envolâmes avec nos quatre enfants vers Londres. J'avais fait le tour de plusieurs compagnies aériennes pour trouver celle qui accepterait de nous vendre les billets d'avion à crédit. Ce fut de cette manière que j'ai pu participer à trois conférences historiques : la première à Chicago en 109 E.B. (1953). Je pus participer à la seconde juste parce que je souhaitais apporter un plus à la mémoire de notre Gardien ; l'Assemblée spirituelle nationale m'a tracé un itinéraire qui me permit d'être à Chicago en 114 E.B. (1958) - mon coeur déborde de gratitude pour cette bénédiction - et bien sûr, en 119 E.B. (1963), j'étais à Londres.

J'eus une expérience étrange et émouvante durant notre première nuit à Londres. Lorsque midi sonne à Unalaska, il fait nuit à Londres. Ma famille s'adapta très bien au décalage horaire si bien que très vite tout le monde dormait profondément à l'hôtel, sauf moi, mon corps ne voulant pas coopérer. Au milieu de la nuit, j'étais encore tout éveillé, couché sur mon lit. Puis j'eus une envie irrépressible de me lever, de m'habiller et de traverser tout Londres jusqu'au Royal Hôtel.

Malgré la réticence de ma raison qui me dictait que c'était pure folie et que tous les Bahá'ís descendus à Royal Hotel seraient tous couchés, le désir de mon coeur eut le dessus. Par conséquent, à 2h 30 du matin, j'arrivai à cet hôtel en taxi et comme ma raison l'avait prévu, tout le monde

dormait. J'entrai dans le hall d'accueil où régnaient l'obscurité et le calme. Quelques veilleuses éclairaient faiblement le comptoir. Je m'assis dans cet hôtel en pensant avec joie que presque tous ceux qui y dormaient

aimaient Bahá'u'lláh.

L'un des portiers vint à moi et me demanda si j'étais un des Bahá'ís qui étaient là, et lorsque je l'assurai que j'en étais un, il me demanda si je pouvais lui expliquer l'étrange expérience qu'il était en train de faire. Il me raconta qu'à tous les étages où il s'arrêtait, il voyait un homme d'une très grande dignité, toujours le même, portant une barbe blanche et des habits d'un blanc crème, qui faisait les cent pas dans le hall de l'hôtel.

Je lui expliquai qu'il y avait là plusieurs personnes venant de différentes parties du monde et qu'il était possible qu'il ait vu des personnes différentes vêtues de la même façon. J'ajoutai que de même que cela m'arrivait, le décalage horaire avait dû empêcher d'autres personnes de trouver le sommeil. Mais il insista qu'il s'agissait toujours du même homme.

Il oublia vite son étrange expérience, notre conversation prenant un autre tour en ceci que je lui tendis la coupe de vie des enseignements de Bahá'u'lláh. Il invita l'autre portier à se joindre à nous et tous deux s'assirent sur le tapis à mes pieds. Ensemble, nous goûtâmes au vin de l'étonnement, et notre conversation pure et intime ne fut interrompue qu'une seule fois lorsque le beau garçon spirituel alla porter du thé et des gâteaux à la cuisine.

Notre conversation se poursuivit jusqu'à l'heure où le métro recommençait à circuler et au moment où je m'en allais vers la station de métro, dans les rues quasi désertes de Londres, le jeune homme était resté debout dans la rue à me suivre du regard. Et lorsque je me retournais pour le voir, il agitait la main. Je crois que si je l'avais invité à partir avec moi, il aurait abandonné son travail à l'hôtel et m'aurait suivi jusqu'au bout du monde, tant nos coeurs avaient été touchés de la tendresse et de l'amour de Dieu cette nuit-là. Je me suis souvent émerveillé au Souvenir de cette bénédiction, qui, chose étrange et heureuse, m'avait été accordée dès ma première nuit à Londres - l'hôtel était rempli de Bahá'ís et pourtant ce fut moi qui fut appelé à traverser la ville pour le festival divin qui consiste à partager le message de Bahá'u'lláh.

Mon séjour à Londres fut paradisiaque. Je ne sais pas si j'avais mangé ou dormi. J'étais entouré de tous côtés de ma famille spirituelle. Tous ceux que je rencontrais étaient dans le même état que moi-même, le coeur battant de l'amour de Dieu. Le point culminant de Londres pour moi fut le moment où Amatu'l-Baha, avec un sentiment, une tendresse et un amour que personne d'autre ne pouvait égaler, nous dévoila la réalité de notre Gardien. Ce fut avec une immense compassion que nous élevâmes nos voix en choeur, avec celles de nos frères Africains, pour l'aider à soulager son coeur, qu'elle accepta de lacérer en vue de nous rapprocher de lui. Toutefois, chaque moment de la conférence était un cadeau précieux qui nourrira pour le reste de ma vie mes souvenirs les plus chers.

4) EPOQUE 4

Nous retournâmes à Unalaska après le jubilé mondial de Londres. La conserverie avait prospéré ; de 42 caisses par an, nous étions passés à 4 000 caisses par mois avec une période opérationnelle qui englobait toute l'année au lieu de deux mois seulement en été. Notre produit principal n'était plus le saumon mais le mondialement célèbre crabe royal.

Une certaine agitation commençait à s'insinuer dans mon âme à l'époque. Je sentais que nous avions fait tout ce qui était en notre pouvoir dans les Iles Aléoutiennes et - ce qui concerne la Foi de Dieu - tout le monde avait alors du travail, tout le monde connaissait la foi baha'ie et les livres Bahá'ís avaient été distribués non seulement à Unalaska mais également dans les îles d'Akutanet et de Nikolski.

Cependant, je me sentais si profondément enraciné qu'il me semblait impossible de me libérer... comme l'oiseau céleste décrit par Bahá'u'lláh, qui évoluait sur les ailes du détachement vers Dieu, mais qui descendit dans la boue et la poussière pour satisfaire sa faim, et les ailes souillées, il fut incapable de reprendre son vol. Je n'avais jamais eu d'autre but en dehors de celui de servir Dieu et l'humanité, et jamais au cours des dix années passées à notre poste de pionniers, je ne permis à cet esprit de me lâcher - la Cause de Dieu d'abord - toute notre vie en était dominée. Puis ce fut la catastrophe.

Tout marchait sans accroc, bien que dans une affaire comme la nôtre, nous avions constamment des dettes. Par exemple, nous mettions en conserves des crabes d'une valeur de 100.000 $, que nous expédions par bateau à Seattle, et sur présentation d'un reçu du magasin de stockage, une avance de 70.000 S nous était accordée sur les futures recettes des ventes de nos produits. Plus tard, quand les produits étaient vendus, nous recevions les 30.000 $ restants, ou le montant qui restait à payer.

Cependant, il arriva une fois très peu après une telle expédition qu'au lieu d'un chèque, une information nous parvint disant que la banque avait refusé l'avance. Les difficultés empirèrent lorsque je fermai la conserverie, pris congé de ma famille pour descendre dans cette abîme noire et ruineuse si vivement décrite par Bahá'u'lláh. A Seattle, toutes les portes étaient closes devant moi. Il semblait que nous avions raflé une part de marché non négligeable aux monopoles de poisson qui tournaient sur le million de dollars, et selon les lois du monde des affaires, nous devions disparaître.

Je me figurai que comme je devais 30.000 $ rien qu'à mes pêcheurs, et qu'il vaudrait mieux vendre à prix coûtant et en finir. Une fois encore, la concurrence m'avait pris de vitesse ; 100.000 caisses de crabes étaient bradées sur le marché à cinquante cents en dessous du prix coûtant. Bien évidemment, il suffisait à toutes ces compagnies d'augmenter de quelques pennies les prix de leurs fruits et légumes pour compenser leur perte sur le crabe. Quant à nous hélas ! Nous n'avions que le crabe et devions faire face à la faillite.

Le soir, au lieu d'aller au lit le coeur brûlant de l'amour de Dieu, j'étais préoccupé par ces sordides problèmes de la vie dénués de valeur, et le matin, au réveil, au lieu de mon habituel 'Je me suis réveillé dans ton refuge, O mon Dieu ! ', c'était "O Dieu, comment pourrais-je payer mes pêcheurs ?" Je pourrais fermer la conserverie et partir, seulement, j'avais d'énormes responsabilités à l'égard des autres. J'avais dit à ma femme que je partais pour une semaine, mais mon absence se prolongea jusqu'à six mois. J'eus une vive perception de la réalité de l'enfer dont seul Dieu, l'infiniment Miséricordieux, pouvait me délivrer des flammes.

Totalement immergé dans la fange du matérialisme, je fus happé dans le tourbillon d'un torrent bouillant comme un petit bout de bois mort. A l'approche de la période du jeûne, je décidai que je ne servais à rien à Seattle et comme le jeûne est une période spéciale pour la famille, je retournai sur mon île. Comme l'hiver de la désolation devait céder la place à la réalité et à la chaleur du printemps nouveau, de même, l'esprit de Dieu commença à raviver mon âme languissante dès mon retour aux fontaines de guérison de la soumission à Dieu. Je suis sûr que seul Son amour plein de tendresse et de compassion pouvait m'avoir hissé hors de ce bourbier de négligence.

Plus j'avançais dans le jeûne, plus je progressais de nouveau, d'abord très lentement, puis plus vite. dans ce royaume divin d'où j'avais chuté. Un jour, alors que je baignais dans une paix et une joie complètes, cette révélation - fit jour dans mon esprit, "Dieu fait ce qu'Il veut ". Quels ne furent la joie et le soulagement qui envahirent tout mon être ! Mes actions ont été celles de quelqu'un qui essaie de jouer à Dieu. O Dieu, mon Dieu, aie pitié de moi ! Dieu est l'Omniscient et le très Sage. Dans Sa sagesse infinie, Il décide si, dans leur propre intérêt, Ses enfants doivent retourner à leur ancien état de pauvreté. Cette pauvreté pourrait nous permettre de partir et d'avancer dans le Plan de Neuf ans. N'était-ce pas par amour pour ces peuples aléoutiens que je me faisais tant de soucis pour eux ? Quoi qu'il en fût, Dieu fait ce qu'Il veut ; tous sont Ses serviteurs et tous dépendent de Son commandement.

Après Naw-Ruz de cette année-là, je quittais encore une fois la maison pour Seattle, complètement plongé dans la réalité profonde de ces pensées. A mon arrivée à Seattle, je ne contactais ni les banques ni les courtiers maritimes ni les grossistes. Je téléphonai plutôt à mes amis Bahá'ís pour leur offrir mes services pour le week-end. Le vendredi, j'ai parlé au centre Bahá'í de Seattle, ce fut une réunion vraiment digne du paradis.

A mon retour à l'hôtel cette nuit-là, on annonçait au journal télévisé le grand tremblement de terre survenu en Alaska. Selon les nouvelles, les îles Aléoutiennes avaient disparu. Bien que ma précieuse famille se trouvait seule sur l'une de ces minuscules îles, ma première réaction n'exprimait ni angoisse ni remords, mais une acceptation joyeuse de la volonté et du plaisir de Dieu, suivie d'une prière venant du fond de mon âme pour la protection et le progrès de ma famille qu'elle soit toujours dans ce monde ou dans le Royaume d'Abhà.

Evidemment; il s'avéra par la suite que les nouvelles diffusées à la radio et à la télévision étaient largement exagérées: Les îles étaient complètement intactes. Ma femme avait chargé un grand nombre de personnes dans le bus de la compagnie et les avait conduites dans les collines, mais ma famille décida qu'ils préféraient être emportés par les vagues de la mer que de mourir gelés dans les montagnes et par conséquent, ils retournèrent à la maison.

Ce grand tremblement de terre ne dura que trois minutes, trois minutes qui apportèrent des solutions à tous nos problèmes. Les compagnies qui s'acharnaient à nous détruire perdirent chacune de leurs usines implantées en Alaska. Le lundi, les courtiers maritimes et les grossistes se bagarrèrent pour acheter mes conserves au prix fort. Une autre compagnie qui avait perdu son usine me contacta pour prendre à bail notre affaire. L'affaire fut conclue et ainsi, je fus libéré pour poursuivre mon service pour la Cause de Dieu, tout en étant assuré de la garantie du travail pour mes chers amis Aléoutiens. Je rentrais auprès de ma famille en moins d'une semaine.

Je suis sûr que comme ce fut le cas lors de la naissance de notre petite fille, des gens diront "Il suffit d'un tremblement de terre pour que Caldwell ait une expérience spirituelle". Qu'il en soit ainsi ou autrement, chaque atome de mon être se tournerait-il vers les plus fervents remerciements que ces remerciements seraient quand-même totalement inadéquats pour exprimer ce que je dois à mon Bien-Aimé pour le plus infime de Ses signes.

5) EPOQUE 5

Vivre au coeur de la civilisation tout en restant à l'abri de son influence néfaste n'est pas une tache facile. Le changement à la direction de notre fabrique de conserves nécessitait que je travaille pendant un an au bureau de la compagnie à Seattle. Selon une recommandation du Gardien, il ne devait pas y avoir plus de quinze Bahá'ís dans la même ville. Nous ne nous installâmes donc pas à Seattle. Au contraire, nous partîmes à Edmonds où on avait besoin de nous pour y sauver l'Assemblée spirituelle locale. Je me rendais à mon travail à partir de cette ville.

De toutes les assemblées que je connaissais et au sein desquelles j'avais travaillé, je peux honnêtement dire que l'Assemblée spirituelle locale d'Edmonds, Washington, était la plus proche de ce que devait être une vraie Assemblée spirituelle. Amour, unité, harmonie et toujours, les meilleurs intérêts de la cause de Dieu, étaient ce qui guidait ses membres honorés. Je ne cherche pas à laisser à mon lecteur l'impression que ces amants du Seul Vrai Dieu avaient toujours eu des réunions d'Assemblée paisibles - non, ce n'était pas le cas Souvent le choc d'opinions divergeantes, tournait au drame, alimenté d'éclairs, d'étincelles, et de feu, chaque personne exprimant toujours son opinion sans aucune sorte de réserve, Cependant, toutes pensées, méditations et prières étaient directement dirigées vers l'étoile brillante du service de la cause de Dieu. L'année que nous avons passée avec eux restera toujours très belle et tendre dans nos souvenirs.

Nous voici en terre étrangère après onze années passées dans les îles Aléoutiennes, et bien entendu, nous ne connaissions personne. Je ne nous voyais pas au cours de cette courte période d'une année, lier amitié avec beaucoup de personnes, à qui offrir l'eau vive des enseignements divins. Par conséquent, l'idée me vint, après avoir beaucoup prié, de mettre une annonce personnelle dans le journal disant, "Si vous n'êtes pas satisfait des réponses que vous avez concernant la religion, veuillez appeler...". Le journal en question était distribué à plus de 300.000 exemplaires, et l'annonce eut un succès dépassant nos espérances les plus folles. On n'imagine pas le nombre de personnes qui se posent des questions profondes sans y trouver de réponse, or voici une porte ouverte dans une atmosphère d'anonymat qui leur permettait de chercher sans crainte d'embarras.

Quelques-uns désiraient nous rencontrer, de telle sorte que des coins de feu furent organisés dans leurs maisons mais leur téléphone continuait de sonner sans cesse, ce qui nous permit, à ma femme et à moi, de partager le message Bahá'í jour et nuit sans perdre un seul instant de notre temps. Il y eut bien évidemment quelques excentriques et plaisantins, mais, même ceux qui ont appelé pour s'amuser ont montré par la suite leur intérêt lorsque nous avions échangé quelques blagues avec eux avant d'entrer dans le vif du sujet. Le coût fut négligeable et seul l'avenir en mesurera adéquatement le résultat. Mais pour ma part, chacun des appels reçus aurait suffit à compenser l'argent et le temps investi dans le projet.

Je citerai particulièrement un cas en exemple. Lorsque je répondis à l'appel, la femme à l'autre bout était en pleurs. Elle m'expliqua en sanglotant qu'elle revenait du cimetière où elle venait d'enterrer son mari. Elle était retournée toute seule dans une grande maison vide et ne savait pas vers qui se tourner. Puis elle s'est souvenue avoir lu notre annonce. Quelle douloureuse angoisse était la sienne ! Par téléphone, nous reliant d'un bout à l'autre de la ville, j'apportai un peu de consolation à son coeur brisé. Je commençai par lui parler de l'endroit où son mari se trouvait en utilisant la belle allégorie d`Abdu'l-Bahá présentant un jardin dont Dieu est le Jardinier.., l'Omniscient, le Jardinier infiniment sage qui sait le moment exact où Il doit transplanter une jeune pousse qui était dans l'ombre au soleil.

Il fait cela avec une tendresse et un amour infinis mais pour nous qui n'avons pas été déplacés, ne connaissant pas la sagesse de Dieu, nous pleurons cette séparation. "Oh, pourquoi Dieu a-t-Il enlevé cette si jeune plante ?" Comme je parlais, mon coeur se remplit d'amour et de compassion pour cette soeur que je ne connaissais pas et ne pouvais voir. Le calme et la certitude remplacèrent doucement ses sanglots. Bien que je ne mentionnais ni Bahá'u'lláh ni la cause de Dieu, je puis quand-même toucher son coeur blessé et brisé par le médicament divin au moment où l'urgent besoin s'en faisait sentir. Mes remerciements montèrent vers Dieu de m'avoir permis d'être là au moment où on avait le plus besoin de moi.

A cette même période, notre Assemblée spirituelle locale d'Edmonds lança un gigantesque projet de proclamation destiné à faire connaître la Foi de Dieu au million d'habitants du Grand Seattle. J'eus la bénédiction d'en être le coordinateur de telle sorte que j'eus le privilège de participer aux réunions d'Assemblée presque tous les soirs, partageant avec ces anges de Dieu nos espoirs, nos projets, et instillant en leurs coeurs bénis de l'enthousiasme pour notre projet. Que d'amour, quelle unité de but et quelle contribution financière

Je rentrais le soir à la maison après avoir parcouru une distance de 60 à 80 km, submergé d'émerveillement et d'étonnement face à la force inhérente à cette cause de Bahá'u'lláh. Potentiellement, nous les Bahá'ís avons le pouvoir de surpasser toutes les forces combinées de l'humanité et la clé qui libérera ce pouvoir latent est l'amour, l'unité et la coopération de tout coeur entre tous les amis. Dans cet effort, toutes les barrières intercommunautaires furent détruites et même une ou deux communautés qui au début ne voyaient aucun intérêt à s'impliquer, furent assez vite happées dans les activités fiévreuses de la proclamation.

Les Bahá'ís de toute la région, dont certains pour la première fois, eurent un aperçu du caractère universel de notre Foi. Je prie avec ferveur qu'ils ne se laissent plus aller à leur léthargie de provinciaux d'où ils ont émergé pour servir la Foi partout où le dessein divin les placera. Unis, nous les Bahá'ís avons un levier suffisamment fort pour arracher le monde de ses fondations, mais cela suppose que nous tirions tous dans le même sens. Si l'un tire alors que l'autre pousse, les précieux efforts s'annuleront et seront infructueux. Amour, amour ; unité, unité ; paix, paix !

Nos efforts culminèrent dans une grande réunion dans la salle des spectacles de Seattle, notre conférencière n'étant autre que Florence Mayberry. Mais hélas ! Je ne devais pas être présent à cette apogée d'un projet sur lequel nous avions travaillé si diligemment. Nous avions été informés que notre pèlerinage si longtemps rêvé allait enfin se réaliser. Lorsque la lettre du Centre mondial arriva, nous n'avions que 5 $ sur notre compte à la banque ; nous avions dépensé tout ce que nous gagnions pour la proclamation. Mais intrépides, nous eûmes une fois de plus recours à notre plan de "voyager maintenant et payer plus tard" et nous voilà en route pour la Terre du désir de nos coeurs.

6) EPOQUE 6

Je réalise pleinement qu'il est impossible de faire connaître à un autre coeur la moindre idée de la réalité du pèlerinage. Avant de partir à mon tour en pèlerinage, j'avais écouté les récits d'un grand nombre de pèlerins, ce qui ne m'avait pas pour autant aidé à dissiper mon entière ignorance de sa vraie réalité. Bien que vivant dans un monde de plusieurs dimensions, il est impossible, même avec des diapositives, des films et des cassettes, de montrer aux autres l'esprit du pèlerinage. La première chose qui me frappa profondément à mon arrivée à Haïfa fut que des forces idéales étaient unies et en harmonie dans toutes leurs dimensions - les chants des oiseaux et les cris des insectes, le léger parfum s'exhalant dans les jardins, le frémissement tant céleste que naturel de la brise dans le feuillage, les forces spirituelles en vibration, tous s'accordaient comme dans un orchestre céleste.

Nous avons rencontré les Mains de la Cause de Dieu, qui résidaient à l'époque à Haïfa - Paul Haney, 'Ali-Akbar Furutan, Mr Faizi, et pendant quelques heures un après-midi, nous avons rencontré Amatu'l-Baha. Je n'ai pas l'intention de vous amener pas à pas a travers le ciel des cieux. Je ne fais que noter mes impressions. Au Tombeau du Báb et d`Abdu'l-Bahá, je me prosternais en présence de Dieu et vidais mon coeur de toutes ses charges. Vers trois heures du matin, le jour de notre proclamation, correspondant à six heures du soir à Seattle. je me levai et allai au Tombeau. Là, oubliant tout sauf la présence de Dieu, absorbé dans une atmosphère de prière, je fis ce que je puis pour aider au succès de notre proclamation.

Lorsque j'élevai la voix pour dire ma prière, elle sembla monter, réverbérer en spirale dans ce ciel de réalité et pour la première fois, je me sentis réellement en présence de mon Bien-Aimé. Lorsque je dis, "O Dieu, mon Dieu", les réverbérations résonnèrent, "Oui, mon enfant". Vers 5h 30, Elaine vint me rejoindre. Ensemble, dans ce Saint des Saints, nous priâmes, d'abord l'un à la suite de l'autre alternativement. La porte extérieure était fermée et la paix et le calme qui précèdent l'aube étaient absolus, mais pendant que nous priions, une brise très chaleureuse, tendre, douce, affectueuse (sans rapport avec ce monde) souffla sur nous et la manifestation extérieure des 'souffles divins passèrent sur eux' embrasa nos coeurs. Ce fut une fois encore la confirmation de notre mariage spirituel ensemble, nous avons goûté au même fruit divin.

Ma première impression de Bahji fut... la PAIX. J'avais été dans les contrées sauvages du Canada, et dans celles isolées des îles Aléoutiennes, où on peut entendre le calme lorsque règne le silence, et je pensais avoir une vague idée de la signification du mot paix. Pourtant, la lumière sur ce qu'il veut dire véritablement ne m'apparut pas dans ces endroits d'isolation terrestre, mais en Israël, le lieu le plus saint sur terre, au coeur du tourbillon de la civilisation technologique. En marchant dans le jardin, chaque atome, chaque arbrisseau, chaque pierre et chaque brin d'herbe résonnait à l'acclamation de paix et de glorification de Dieu et mon coeur se gonfla de gratitude du fait qu'enfin, les restes sanctifiés de la Perfection Bénie aient pu accéder à une paix à laquelle Il n'avait pas eu droit lorsqu'Il vivait dans ce bas monde.

Toutefois, à mon entrée dans le centre d'adoration, j'eus la pleine réalisation que j'étais dans l'erreur. La raison même de l'émanation de cette paix était ces restes bénis eux-mêmes. Dieu de bonté ! Il n'y a pas de fin aux dons de l'Ancien des jours. Même dans Son royaume de gloire, Il continue de donner et de déverser Ses bienfaits sur nous. A nous les enfants des hommes, Il donne Tout - qui est à Lui, paix, bonheur, gloire et allégresse, Prenant conscience de cette magnanimité, j'offre mon âme en rançon pour les souffrances que nos mains Lui ont fait endurer alors qu'il était sur Sa terre.

Mon pèlerinage approchait son apogée. Debout de l'autre côté des douves, le regard levé vers cette minuscule fenêtre de la plus Grande Prison, mon coeur s'envola vers ce croyant parmi les premiers qui, la vue défaillante, était arrivé à pied depuis la Perse afin de jeter un regard sur le mouchoir blanc de Bahá'u'lláh mais qui, à son arrivée, ne put même pas réaliser ce désir. Je n'étais pas du tout préparé à ce qui se passa à la Plus Grande Prison. Devant la cellule de Bahá'u'lláh, j'enlevai mes chaussures. Paul Haney ouvrit la porte et je mis pied dans la cellule.

Le choc fut plus que je n'en pouvais supporter et mon coeur se brisa en mille morceaux. Pour commencer, la cellule, au moindre détail, était celle de ma vision douze ans plus tôt, dans laquelle j'avais vu Bahá'u'lláh face à face. Outre cela, j'étudiais les enseignements de Bahá'u'lláh depuis plus trente ans, je savais donc que chaque page, chaque ligne, chaque mot et chaque lettre de Ses enseignements est rempli de tant d'amour et de tant de compassion que l'esprit est incapable de l'imaginer et nos coeurs de le comprendre. Pour qu'une telle personne eût été soumise à tant de cruauté était trop pour mon pauvre coeur. Si les larmes sont capables de laver la moindre souillure sur la robe d'un blanc de neige de Bahá'u'lláh, ce flot jaillit de mon coeur comme si moi seul pouvais rendre cette robe à Dieu, pure, et d'un blanc immaculé.

Grâce à la discrétion de mon frère Paul Haney, je pus me retrouver seul quelques moments avec les fragments de mon coeur brisé. Je me prosternai une fois encore au même endroit que dans mon rêve et fis le voeu que seule mon abnégation complète dans Sa Cause, donnant ma vie et mon dernier souffle au service de Sa Volonté, pouvait apaiser mon coeur. Je prie Dieu de toute la sincérité de mon pauvre coeur humain inadéquat qu'Il m'accorde le privilège de réaliser mes voeux faits dans ce lieu sacré.

De la prison, nous nous rendîmes à la Maison d'Abbud où Bahá'u'lláh avait été enfermé à l'étage supérieur pendant cinq ans et demie. Je sortis sur le balcon où Bahá'u'lláh avait l'habitude d'aller prendre de l'air et faire des exercices physiques. En me penchant sur la balustrade, je pensais, "chaque centimètre de ceci a été béni par la Suprême Manifestation de Dieu". Comme j'envie la poussière qui a été bénie par le toucher de la Main de Dieu ! Je me rappelai alors ces lignes sur Akka qui terminent "l'Epître au Fils du Loup" et je commença; à compter les quarante vagues qui frappaient la berge. Lorsque j'arrivai à la quarantième, j'eus l'impression que la dernière vague ne s'arrêtait pas mais plutôt montait vers le balcon pour se déverser sur ma tête, me lavant et me relavant dans cette eau bénie.

Je me sentis aussi nouveau et pur comme si je venais de sortir du sein de ma mère. Une fois encore, mes pleurs allèrent vers Dieu du tréfonds de mon âme, le suppliant de me donner Sa protection et de me préserver des fautes et du pêché pour le reste de ma vie. En vérité, Dieu fait ce qu'Il veut. D'abord Bahá'u'lláh, puis `Abdu'l-Bahá et Shoghi Effendi, comparèrent notre Centre mondial au coeur du monde. Le coeur est un organe vivant qui bat et nous affluons vers lui de différents endroits lointains apportant avec nous toutes nos impuretés. Ensuite, lavés, oxygénés, revigorés, nous sommes renvoyés dans tous les coins du monde pour apporter cette nourriture vivifiante au corps mourant de l'humanité. Oui, en vérité, c'est ici le coeur du monde.

Le dernier jour de pèlerinage je me promenai avec ma femme dans les jardins de Haïfa et lui dis prophétiquement que nous allions avoir un autre enfant. Elle répondit avec toute son ardeur d'épouse, "Pas moi ! j'ai déjà eu tous les enfants qu'il me fallait et je suis trop vieille pour en faire un autre". Pourtant presque un an jour pour jour plus tard, ma femme mit au monde notre cinquième enfant, notre fille Zarrin Taj, née à Mexico. Cette enfant fut envoyée par Dieu à ma femme pour lui servir de centre d'intérêt dans ce pays.

La dernière fois où j'entrai dans le Tombeau du Báb, les forces spirituelles qui battaient dans ma tête et dans mon âme étaient si puissantes que j'en étais presque paralysé. Je sentis que dans son évolution spirituelle, le commun des mortels ne pourra pas accéder à ces lieux des plus saints, non pas parce qu'il en est incapable mais parce que les forces spirituelles qui en émanent seront plus qu'il n'en pourra supporter.

7) EPOQUE 7

De la terre du désir de mon coeur, Haifa, nous retournâmes à Seattle. où ma première bénédiction fut la présence, une nouvelle fois, de ma très chère soeur aimée et chérie, Florence Maybery. Je pus passer plusieurs semaines en sa présence bénie. Je l'emmenais souvent aux réunions (son emploi du temps était monumental) et des larmes d'angoisse remplissaient mon coeur pour son état de santé. Mais elle savait toujours tendre la main pour puiser dans cette suprême assistance divine promise, et comme une jeune fille dans sa prime adolescence, elle partageait l'eau vive avec les personnes avec lesquelles elle entraient en contact

Je voudrais partager avec vous un petit incident, qui est en réalité une affaire capitale, car il vous éclairera mieux, cher lecteur, sur le rayonnement de cette âme qui a tant captivé la mienne. Florence, comme membre Auxiliaire, n'était pas seulement chargée de la propagation de la Foi mais également de sa protection. Par conséquent, elle avait la tâche de rencontrer un certain individu qui s'était retiré de la Foi et qui s'employait alors activement à miner la communauté en semant des germes de doute et de suspicion dans les coeurs des amis et sympathisants.

Nous rencontrâmes d'abord l'un des chercheurs que cette femme avait contactés et avec tendresse et amour, Florence le ramena complètement à la Cause de notre Bien-Aimé. Nous allâmes ensuite dans la maison de cette femme qui était sur le point de devenir un briseur de Covenant. Florence alla à la rencontre de cette femme avec tant de tendresse et de compassion qu'il m'est presque impossible de le décrire. Elle la prit dans ses bras et l'embrassa affectueusement. Puis dans un esprit d'amour. elles s'assirent toutes deux sur le sofa et eurent une conversation de coeur à coeur. Quelle sagesse, quel tact, quelle compréhension et par-dessus tout - quel amour ! Chaque question de cette âme égarée était traitée avec honnêteté, franchise et sincérité.

Une personne complètement morte spirituellement et froide ne pouvait pas résister à revenir sur le droit chemin si elle prête l'oreille aux paroles de Florence. Notre soeur égarée, la figure baignée de larmes, embrassa Florence et demanda que son nom soit réinscrit sur la liste électorale. Pour avoir été témoin intime de cela, l'histoire de l'enfant prodigue prit alors pour moi une signification toute nouvelle, car nous éprouvâmes plus de joie à avoir retrouvé cette amie que celle conférée par l'acceptation de la Foi quelques heures plus tôt par un nouveau croyant.

Florence et moi sentions l'enthousiasme de notre précédente proclamation s'estomper lentement dans les coeurs des amis et fîmes de notre mieux pour encourager et raviver les esprits. Florence prit comme exemple le but d'un acte de vente. Vous mettez votre produit sur le marché et en vantez la qualité. Le produit est présenté à tout le monde et on a commencé à le vendre. La production ne cesse pas pour autant, au contraire. Mais hélas ! Comme une lampe qui n'a plus d'huile, l'ardeur des amis avait refroidi. Après le départ de Florence, presque tout le monde me dit qu'il avait des problèmes personnels, et ils me prévinrent qu'ils ne voulaient pas être pressés.

Un dimanche, mon coeur me poussa vers la maison d'une formidable famille à quelques kilomètres de chez moi, et pendant que nous parlions, mon ami Bahá'í indiqua qu'il y avait plus de quinze tribus d'Indiens dans notre localité. Je réalisai instantanément la raison pour laquelle mon coeur m'avait conduit dans sa maison. Nous commençâmes sur le champ à faire des projets. Mon énergie et mes ressources, les ailes de mon esprit, prirent alors une nouvelle direction. Je me rendis aux deux bibliothèques de l'Université de Seattle et passai plusieurs semaines de recherches sur les coutumes et l'histoire des tribus locales. Je trouvai qu'à l'ouest des montagnes à Washington, il y avait dix-neuf tribus distinctes, ce qui me sembla significatif, dix-neuf étant le nombre d'un vahid complet. Nous travaillâmes avec la bénédiction du Comité d'enseignement des Indiens.

J'étais déterminé à utiliser l'approche directe qui fut si efficace dans le Yucatan, en Amérique Centrale et en Amérique du Sud. Nous avions besoin de savoir les noms des chefs, ou des dirigeants de chaque tribu, en vue de les contacter d'abord et ainsi, essayer de toucher leurs peuples par leur intermédiaire. J'appris que l'agence indienne d'Everett avait une telle liste et je priai Dieu de nous aider à l'obtenir. J'avais des visions dans lesquelles je me voyais aller voir l'agent et découvrir que celui-ci avait une aversion pour tous mouvements religieux dans les réserves. C'est donc avec beaucoup d'appréhension que je me rendis à Everett, priant tout au long du trajet, récitant la puissante 'Tablette d'Ahmad', et 'la Prière des Difficultés'.

A mon arrivée au bureau de l'agence indienne, je fus accueilli par un jeune indien, à qui je demandai de voir l'agent. Il m'expliqua que l'agent était parti pour toute la journée sur l'une des réserves. J'expliquai au jeune homme ce que je désirais, et voulant m'aider, ouvrit un livre et me montra la liste, laquelle était évidemment impressionnante et très longue. Lorsqu'il se rendit compte que je voulais la recopier, il ouvrit un classeur, en tira une copie de la liste, qu'il me donna. Dieu fait ce qui Lui plaît, et tous sont Ses serviteurs ! Je m'en retournai chez moi, muni non seulement de la liste des tribus à l'ouest de Washington mais également des tribus de tout le nord-ouest, le coeur chantant de gratitude pour mon Bien-Aimé.

Ce ne fut pas une mince affaire, cette activité d'enseignement des Indiens ! Des lettres furent envoyées à tous les chefs pour leur demander des rendez-vous pour aller partager avec eux les bonnes nouvelles de la dernière révélation de Dieu. A cette époque critique, je reçus une lettre du Bureau national des Etats-Unis me demandant de partir en Californie et dans l'Oregon pour aider à sauver des Assemblées spirituelles locales en danger.

Comme on était déjà le 1er avril, je n'avais pas beaucoup de temps devant moi. Je partis quand-même, abandonnant toute autre activité. Toutes les Assemblées spirituelles locales faibles furent reformées à l'exception d'une, qui avait été réduite à cinq membres.

A mon retour à Washington, nous n'avions reçu qu'une seule réponse des réserves, nous accordant un rendez-vous plusieurs semaines plus tard. Après avoir beaucoup prié, médité et consulté, nous décidâmes d'aller dans l'une des réserves et de contacter directement les Indiens si cela était possible. Si nous échouions, nous irions voir personnellement le chef de la réserve. La réserve la plus proche et la plus accessible à partir de Maryville, Washington, étant celle de Tualip, elle me fut affectée comme but.

Après une période de prières intenses, le coeur débordant d'amour, je me mis en route pour Tualip. Je décidai en route qu'à mon arrivée dans la ville, je garerais ma voiture et partirais à pied à travers la ville et transmettrais le message à quiconque je rencontrerais. Ce que je fis, du moins en ce qui concerne l'idée de garer ma voiture et de circuler à pied d'un bout de la ville à l'autre.- En effet, je rejoignis ma voiture sans avoir rencontré une seule personne solitaire - Indien ou Blanc.

Tous sont Ses serviteurs et tous dépendent de Son commandement. Je marchai jusqu'à la plage, m'assis sur un bout de bois mort, dis la 'Tablette d'Ahmad', puis rentrai à Edmonds.

Le lendemain, je retournai sur place et allai directement au bureau de l'Agence où je demandai à voir le Chef.

Lorsqu'on me fit entrer dans son bureau, et que je me présentai, j'entrai dans le vif du sujet et dis, "Un nouveau Messager de Dieu est apparu sur la terre, porteur d'un message spécial pour ton peuple." Aurais-je donné un coup sur la tête de ce monsieur, le choc n'aurait pas été aussi terrible. Il resta bouché bée, me regardant longuement et durement. Quand finalement il se ressaisit, il me conseilla que la meilleure manière de disséminer mon message serait de passer par les prêtres de la réserve qui le relayeraient à son peuple. Je retournai à mon bout de bois mort sur la plage pour prier et demander assistance.

A ce point, j'avais commencé à croire que je n'étais peut-être pas la personne qu'il fallait pour toucher ces âmes. Toutefois, le vendredi suivant. nous eûmes une conférence d'enseignement à Seattle. A cette conférence, un Bahá'í Indien de Yakima, qui était parti avec Florence Mayberry dans la Réserve de Yakima à l'est des montagnes, se leva et lança un appel d'urgence pour avoir de l'aide pour le suivi de l'enseignement dans sa réserve.

J'avais décidé de ne pas aller du côté est des montagnes. Pourquoi devrions-nous parcourir plus de 240 km alors que nous avions déjà dix-neuf réserves tout près de chez nous ? Mais après son appel désespéré, j'attendis que quelqu'un répondît. Personne ne le fit. Alors, étant toujours prêt a seconder toute personne qui souhaitait servir la Cause de Dieu, je me levai pour offrir mes services. Nous nous entendîmes pour partir en cours de semaine dans ma voiture. Cette dame indienne me demanda si je pouvais prendre avec nous un de ses amis indiens de Tacoma, qui se révéla être un Tualip de souche. Dieu soit loué et gloire à Lui pour m'avoir permis de suivre le désir de mon coeur dans le service de Sa Cause.

Comme ma soeur baha'ie et moi commençâmes à parler, ce monsieur Tualip affirma haut et fort qu'il était un catholique satisfait et heureux de l'être. Je lui dis que c'était merveilleux, et continuai de parler gaiement avec mon amie. Notre ami Tualip ne dit rien pendant les 80 premiers km. mais quand nous nous arrêtâmes pour déjeuner, ses questions s'enchaînaient à la vitesse que passaient les kilomètres. Puis pendant les 80 km suivants, il fut complètement immergé dans l'océan de l'amour de Dieu. Le temps d'arriver à Yakima et dans la réserve, notre cher Tualip était si excité qu'il ne pouvait pas tenir tranquillement sur place. Reconnaissant un de ses amis indiens dans la rue, il me demanda d'arrêter la voiture. A peine m'arrêtai-je qu'il bondit hors du véhicule, attrapa la main de son ami et déclara vigoureusement qu'un nouveau Messager de Dieu était venu.

Pendant les deux jours que nous passâmes dans la réserve, cet homme se montra tel un intrépide guerrier de Bahá'u'lláh et avec ardeur, se battit pour la Cause de Dieu. Au cours des trois heures que dura notre voyage retour, il commença à faire des projets d'enseignement de la Foi de son Bien-Aimé au peuple Tualip.

Comme les résultats de mes propres projets étaient inattendus ! Notre premier ami Bahá'í Tualip dans la Cause de Dieu devait aussi connaître un cas similaire. Nous fîmes des projets et obtînmes l'autorisation du Conseil indien d'organiser un pique-nique Bahá'í sur la réserve. Notre ami Bahá'í avait choisi l'endroit où il savait que les Indiens allaient se rendre. Mais l'Assemblée spirituelle locale qui avait cette réserve comme but jugea que l'endroit choisi ne convenait pas pour accueillir dignement les amis de toute la région ouest de Washington qui avaient été invités, parce qu'il n'y avait que des hangars sans cuisine mais de la poussière, etc.

Ainsi, ces amis bien intentionnés, pour préserver la dignité de la Cause et pour le bien-être des Bahá'ís qui allaient venir. allèrent louer une salle où les natifs étaient d'office exclus. Bien, le pique-nique fut vraiment exclusif - seuls les amis Bahá'ís furent présents; personne de la réserve n'y étaient, sauf notre Bahá'í Tualip.

Pendant que les Bahá'ís s'amusaient, cet Indien et moi-même allâmes à l'endroit jugé inadéquat et là, évidemment, les locaux y avaient afflué? Je raconte ce tragique incident de notre pique-nique Bahá'í dans l'unique but de souligner un point. Les eaux vives de la Cause de Bahá'u'lláh sont destinées à toute l'humanité sans aucune exclusion. Si jamais nous voulons réussir dans notre tache, nous devons aller vers l'humanité les bras et les coeurs ouverts afin de les rencontrer de tout coeur sur leur propre terrain et non pas sur le nôtre.

Nous rencontrâmes ces Indiens qui nous avaient invités et bien que nous ne recueillîmes aucune déclaration, nous nous fîmes des amis pour la vie et reçûmes des invitations spéciales pour participer à toutes leurs célébrations.

7) EPOQUE 7

Elu délégué régional pour la Convention nationale, Elaine et moi partîmes pour Chicago. Là, nous eûmes le privilège de rencontrer beaucoup de nouveaux croyants, fûmes comblés de joie devant le changement et l'accroissement de notre communauté baha'ie américaine. Nous rencontrâmes également un ami qui me demanda si je pouvais voyager à travers le Sud. Je ne pouvais pas refuser de servir une cause si chère à mon coeur. Les émeutes raciales et les terribles forces négatives faisaient couler le sang tant des Noirs que des Blancs comme l'avait prophétisé `Abdu'l-Bahá.

Je me fis l'obligation comme croyant d'aller dans ce pays déchiré par les troubles pour démontrer par les faits et l'action que nous les Bahá'ís, n'étions pas uniquement de beaux parleurs mais également des gens d'action. A la convention, notre famille obtînt de l'Assemblée spirituelle nationale l'autorisation de répondre à la demande de notre cher Main de la Cause, Dr. Gachiery, d'aller servir au Mexique comme pionniers.

A la fin de la convention. nous rentrâmes à Seattle et le trimestre scolaire terminé, nous prîmes congé de tous ces amis Bahá'ís avec qui nous avions travaillé si dur et que nous avions appris à aimer si fort.

Le voyage à travers le Sud dura trois mois et fut fructueux du fait qu'il en résulta de nouvelles déclarations et nous permit de démontrer à tous la vraie signification de l'unité raciale. Nous séjournâmes plusieurs fois en plein coeur des quartiers noirs, vivant dans des maisons privées, acceptés et aimés par tous. Nous fûmes menacés et maudits par les ignorants, mais le sentiment de spiritualité parmi les Noirs du Sud est un vrai et beau rayon de lumière dans une région à d'autres points de vue sombre et désillusionnée. Nous fûmes les premiers Blancs à jamais entrer dans une des églises noires et fûmes reçus avec tendresse et amour. et nous eûmes la permission de parler à la congrégation. Pendant trois mois, jour après jour, nous luttâmes de tout coeur et de toute la force de notre âme comme nous l'avait appris Abdu'l-Bahá, et finalement le 12 Asma 121 E.B (31 août 1965), nous arrivâmes au Mexique.

L'Assemblée spirituelle nationale du Mexique nous demanda d'aller dans l'Etat d'Oaxaca, l'un de leurs buts dans le cadre du Plan de Neuf ans étant d'avoir des croyants dans chacun des Etats du Mexique. Oaxaca est situé dans les hautes sierras du Mexique, et la capitale, Oaxaca, lotie dans une vallée nichée entre les montagnes. Oaxaca a la caractéristique d'avoir la plus forte population d'Indiens natifs de tous les Etats d'Amérique du Nord, et après onze années passées comme pionniers dans une communauté ne comptant que cinquante familles, c'était pour nous le paradis ! En outre, après onze années sous des cieux les plus effroyables du monde, Dieu nous accorda le privilège du climat le plus calme et le plus doux dont on pouvait rêver.

Selon les instructions d`Abdu'l-Bahá, il est recommandé aux Bahá'ís d'apprendre à parler couramment la langue du pays où ils vont s'installer comme pionniers avant de s'y rendre. Louange et gloire à la sagesse de Dieu - j'ai vraiment souffert d'avoir désobéi. A mon arrivée à Oaxaca, je ne savais dire que 'bonjour' et 'au revoir'. Alors, pendant quatre mois, j'ai travaillé jour et nuit pour maîtriser la langue. Les paroles de Bahá'u'lláh, qui constituent la force divine de ma vie, me soutenaient. Les voici :

La nuit succède au jour, et le jour à la nuit, les heures et les moments de votre vie ne sont pas plutôt venus qu'ils sont déjà passés, et, pourtant aucun de vous n'a jamais encore consenti, ne fût ce qu'un instant, à se détacher de tout ce qui périt.

Faites diligence afin que les courts instants qui vous appartiennent encore ne soient pas dissipés et perdus. C'est avec la rapidité même de l'éclair que vos jours passeront et que vos corps reposeront sous une couche de poussière. Que pourrez-vous faire alors? Comment pourrez-vous expier vos fautes passées ? (Extraits des Ecrits de Bahá'u'lláh).

Je ne crois pas qu'une seule personne au coeur sincère, qui lise ce qui précède, ne soit totalement consumée par l'inadéquation du temps face aux taches gigantesques à abattre dans l'immédiat.

Au bout de quatre mois, je ne possédais que les plus simples rudiments de la langue. Toutefois, ayant appris depuis longtemps à mettre toute ma confiance en Dieu, je me mis une fois encore à me lever à l'aube pour aller sur la montagne qui surplombe la ville d'Oaxaca et communier avec Dieu dans un total abandon à Sa sainte volonté et plaisir. L'un des premiers fruits et dons de Dieu me vint par ma fille de neuf ans. La plupart des matins, elle tombait du lit, encore endormie, mais anxieuse d'aider son Papa, elle s'habillait et partait avec moi. Dieu seul peut savoir la joie et la bonheur qui envahissaient mon âme lorsque ce pur esprit de lumière s'asseyait à côté de moi, et de sa voix pure et douce, lisait des prières pendant que je conduisais vers la montagne. Ensuite, alors que les cieux s'illuminaient lentement du côté est, elle récitait avec moi la 'Tablette d'Ahmad' qu'elle connaissait presque totalement par coeur. Je prie sans cesse Dieu que cette enfant de la Croisade de mon obéissance continue de grandir, toujours parée de cette âme pure et radieuse qu'elle avait alors.

Un jour, j'informai Elaine que j'avais envie d'aller à Mexico. Elle me demanda pourquoi faire, d'autant qu'on avait pas l'argent pour un tel voyage. Honnêtement, je ne savais pas moi-même pourquoi, mais elle avait appris (de même que moi) qu'il ne fallait pas s'interposer ou trouver à redire en ce qui concerne les impulsions de mon coeur.

A Mexico, je rencontrai une jeune fille du Vénézuela, baha'ie de courte date, qui y était de passage et lorsque je lui demandai si elle avait envie d'aller à Oaxaca pour nous aider pendant quelque temps, elle répondit avec enthousiasme. Avec la bénédiction de l'Assemblée spirituelle nationale du Mexique, les dispositions furent prises. J'avais enfin une voix, cette enfant du Royaume étant bilingue. Oh Dieu, mon Dieu, quelle langue peut exprimer mes remerciements à Ton endroit ! Une fois encore, ces mots, Dieu, suffit à tout furent abondamment manifestés dans ma vie.

Elle s'appelait Trina, et bien qu'elle fût nouvelle baha'ie, elle possédait un coeur merveilleusement chaleureux, aimable et ouvert, qualités si vitales à l'enseignement. Elle devrait me suivre à Oaxaca en compagnie d'autres amis la semaine suivante. Tant de prières de remerciements remplissaient mon coeur à mon retour à la maison. Je décidai de ne pas perdre une seule précieuse minute, et, arrivé à Oaxaca, je me tournai vers cette constante présence de Dieu dans laquelle je baigne. Dans cette précieuse atmosphère de Dieu fait ce qu'Il veut et Il est l'Aide suprême, je demandai par où commencer. Malgré ma mauvaise mémoire des noms, celui d'un pueblo (village) s'imposa à mon coeur comme la lumière d'un néon. Zoquiapan.

8) EPOQUE 8

Je ne savais même pas où était situé le pueblo de Zoquiapan, mais le deuxième jour de mon retour à la maison, j'étais déterminé à y aller dès le lendemain pour voir ce qui pouvait être arrangé sur place pour Trina quand elle sera la. En consultant une carte locale, j'appris que Zoquiapan se trouvait a quelques huit kilomètres de la route carrossable la plus proche. J'en déduisit qu'il faudrait un trajet d'une heure et trente minutes pour s'y rendre.

Le jour suivant, je demandai de l'aide à un jeune américain qui avait grandi à Oaxaca et qui passait ses journées à vagabonder dans les hautes sierras à coté de la ville. Il parlait anglais à la maison et espagnol partout ailleurs si bien que j'ai cru qu'il pouvait me servir d'interprète et de guide jusqu'à ce village. Je savais qu'il était arriéré mental mais il avait bon coeur et, comme tout être humain. il avait juste besoin de se savoir aimé et utile.

A 11 heures le lendemain matin. nous nous mîmes en route. Comme le soleil brillait et qu'il faisait bon et que je pensais rentrer à Oaxaca avant 6 heures du soir, je ne pris même pas un chandail. Les huit kilomètres se révélèrent la distance à vol d'oiseau et malheureusement, je n'étais pas équipé comme un oiseau. Pour commencer, la route reliant la nationale à l'endroit où je comptais laisser ma voiture, était à peine un sentier praticable pour une voiture attelée. Je renonçai donc à ma voiture que je garai, pensant qu'il me serait encore possible de revenir la chercher avant la nuit. Bref, nous marchâmes et marchâmes sur des kilomètres et des kilomètres et encore des kilomètres. J'étais lourdement chargé et au bout des premiers huit kilomètres, je maudis mon erreur et jurai que la prochaine fois, je n'emporterais dans ces montagnes que le strict nécessaire.

Nous arrivâmes afin à destination vers 6 heures du soir. après avoir franchi trois montagnes et parcouru approximativement vingt kilomètres. L'ongle de l'un de mes orteils était enfoncé dans mon pied ensanglanté. mes muscles endoloris rendaient chacun de mes pas insupportable. La raison tenta de prendre le dessus sur mon coeur. Je pensai qu'il serait inadmissible de soumettre Trina à cette terrible épreuve de monter jusqu'à Zoquiapan et d'en revenir. Puisque je me trouvais là-bas, je décidai de leur transmettre le Message avant de repartir et d'en rester là. Les gens furent très, très soupçonneux. Quand ils me demandaient ce que je voulais et que je leur répondais que j'étais porteur d'un message de Dieu, ils s'enfuyaient. Je découvris que mon guide ne connaissait qu'une seule langue - l'anglais et l'espagnol étaient pour lui une seule et même langue. Lorsque je lui parlais anglais, il répondait en anglais et lorsque quelqu'un d'autre lui parlait espagnol il répondait en espagnol sans jamais se rendre compte de la différence.

Ainsi, je me retrouvai tout seul, excepté Dieu, incapable de communiquer, dans une situation de toute apparence hostile. Je m'assis dans un coin et, entièrement confiant en Dieu et m'en remettant à Sa volonté, je psalmodiais 'la Prière des Difficultés'.

Alors que je priais, un drame se produisit, auquel je n'aurais pas cru si je n'en avais pas été au centre. Un natif entra, ayant l'air de sortir directement d'un film Western. Il portait un grand chapeau, un colt six, des bottes et tout l'attirail. La boucle de sa ceinture portait en lettres d'or le mot Policia que je compris malgré mes connaissances limitées de l'espagnol. Il me demanda ce que je voulais et j'expliquai de nouveau que j'étais porteur d'un nouveau message de Dieu. Il se lança dans une longue tirade totalement incompréhensible pour moi, mon guide n'étant d'aucun secours pour la traduction. Je puis saisir quand-même le mot, 'identification'. J'exhibai ma carte mexicaine d'identité et mes lettres de créances baha'ies. Je crois qu'il ne savait pas lire, puisqu'il se contenta de jeter juste un coup d'oeil dessus avant de me les rendre. Il se tourna ensuite vers le garçon. Je compris plus tard que c'était une manoeuvre de racket et qu'il en avait juste après notre argent.

La consternation et la peur transformèrent l'expression du pauvre garçon face au policier. Finalement, il prit ses jambes à son cou, l'agent de police au talon. Quand je vis l'agent dégainer, j'attrappai sa main et lui expliquai le mieux que je pouvais que le garçon était loco en la cabeza (malade dans la tête), c'était tout ce que je pouvais tirer de mon espagnol. L'agent de police se dégagea. Entre-temps, le garçon était tombé dans une rigole et trempé jusqu'aux os, mais il avait de longues jambes alors que celles du flic étaient courtes. Celui-ci se mit à tirer, mais Dieu merci, son arme n'était pas chargée.

Je commençai à descendre derrière eux mais mes pieds et muscles douloureux m'empêchèrent d'avancer vite. Réalisant que je ne pouvais être d'aucune aide, je confiai le garçon à Dieu... laissant le flic fou pourchasser le garçon fou dans la montagne. En retournant vers le bâtiment municipal je vis que l'atmosphère y avait entièrement changé. Le village entier avait suivi la scène avec beaucoup d'amusement, et comme il s'agit d'un peuple généreux et chaleureux de nature, ils eurent de la compassion pour ce pauvre gringo. Jusqu'alors, je n'avais jamais vu de ma vie un revirement aussi radical.

Il y avait alors foule et je leur parlai, dans mon espagnol rudimentaire, de l'amour de Bahá'u'lláh, le Médecin divin. Comme il buvait mes paroles ! Et quel enthousiasme extraordinaire ! Merci Dieu, mon coeur reprit confiance, et pour les questions, je leur promis de revenir quatre jours plus tard, avec une seniorita qui y répondrait.

La nuit était totalement tombée. Cinq ou six personnes m'accompagnèrent sur une colline où je pus m'acheter des tortillas à manger. Sur le chemin de retour vers le bâtiment municipal. un jeune homme surgit devant nous et dit, 'voici votre maison". Les hommes qui m'accompagnaient protestèrent qu'ils avaient déjà prévu de m'offrir le gîte ailleurs pour la nuit. Cependant, ce magnifique jeune homme les ignora et me regardant directement, répéta, "Esta es su casa" Dieu fait ce qu'Il veut. Je remerciai mes autres bienfaiteurs pour leur aide et suivis le jeune homme dans sa maison.

A l'intérieur se trouvait le jeune américain qui m'avait accompagné dans les montagnes. Il était assis là, tout à fait à l'aise, sain et sauf. Je m'assis d'abord avec mon hôte, puis avec ses soeurs, à qui je transmis le message de Bahá'u'lláh. Ensuite arriva le père. Malgré sa grande humilité, il irradiait d'une qualité et d'une dignité peu communes. Il s'assit et dit tout doucement, "Dites moi." Après avoir fait de mon mieux, je leur promis à tous que je reviendrais à la fin de la semaine avec une traductrice. Aucun doute ne pouvait être quant à leur sincérité, leur chaleur et leur amour. Finalement, mon hôte me laissa son propre lit, consistant en une très courte planche sans matelas.

La température baissa de plus en plus au cours de la nuit. pourtant les soeurs de mon hôte dormaient dehors sur un banc étroit, sans matelas non plus. Mes muscles commencèrent à devenir raides, et vers deux heures du matin, je décidai que si je passais trois autres heures et trente minutes sur ce lit, je deviendrais un bloc de glace bon pour être enterré. Je me levai donc et allai ouvrir la porte pour contempler la lune la plus grosse et la plus belle que j'eusse jamais vue, qui donnait à la nuit une clarté presque diurne. Chaque étoile brillait avec un éclat qui n'était réservé qu'à ces contrées montagneuses. Le garçon et moi marchâmes jusqu'à la voiture par le clair de lune, nous réchauffant grâce aux montées et aux descentes à travers les montagnes.

J'arrivai à la fin de la semaine le pied enflé et sérieusement infecté, mais, n'a-t-Il pas dit, Fais un effort pour Nous et Nous te guiderons dans Nos voies ? Je ne pouvais pas me tenir sur mon pied. Je l'avais trempé dans toutes sortes de remèdes, en avais même coupé des morceaux avec mon couteau mais en vain. Bien entendu, mon retour dans le village était comme toujours soumis à la volonté de Dieu - 'Insha'llah' (si Dieu le veut). Je revoyais chaque visage dans le village. Ils étaient nombreux à me demander, "Oh ! Reviendrez-vous vraiment ? Si vous allez revenir pour nous parler de Dieu, je n'irai pas au travail, je vous attendrai à la maison. Non, mon coeur ne me laisserait pas décevoir ces âmes sincères. Que j'étais heureux d'avoir pris cette décision ! Maintenant, je sentais réellement que le jour était arrivé où Dieu allait me laisser sacrifier quelque chose dans Son chemin.

Cette fois-là, je conduisis la voiture jusqu'au bout de la route, ce qui nous fit gagner sept kilomètres mais me coûta 100 $ de réparations sur la voiture. Trina et moi attaquâmes la pénible montée de la première montagne. Chaque pas que nous devions faire fut une véritable torture. Finalement, la vaillante petite Trina s'arrêta au milieu du sentier, une larme coulant sur chaque joue et dit. "je n'en peux plus, je n'en peux plus:' Nous nous assîmes pour une petite pause et priâmes, ensuite. nous nous remîmes en route.

A notre arrivée au sommet de la montagne, le plus grand miracle de ma vie se produisit. Trina s'arrêta encore, mais cette fois-ci, elle s'exclama, transfigurée, "Oh ! Oh ! Oh ! Quel endroit merveilleux ! Je n'ai jamais senti un endroit aussi spirituel. J'ai le sentiment que Dieu est avec nous, réellement avec nous:' Ma propre sensation fut que Bahá'u'lláh marchait avec nous, et cette fois-là encore, je fus privé du privilège de donner quelque chose à la Cause de Dieu. Qui est celui qui refuserait de se mettre à quatre pattes pour avoir la bénédiction de marcher avec la Gloire de Dieu ? Nos coeurs gonflés de joie, nous poursuivîmes notre route, chantant les louanges de Dieu et lançant des "Allah'u'Abha !" à l'écho qui les répercutait à travers les montagnes devant nous. Je ne sentais plus aucune souffrance et quoique encore physiquement sur cette terre, j'étais monté au ciel des cieux. J'avais dû flotté le reste du trajet jusqu'à Zoquiapan, car il m'est impossible de me rappeler avoir marché.

Six personnes se déclarèrent à Zoquiapan ce jour-là, toutes de la famille qui m'avait reçu lors de ma précédante visite. Notre premier Bahá'í fut la fille de la famille, qui marcha main dans la main avec Trina sur une longue distance avant de s'en retourner chez elle. Le corps fatigué mais le coeur joyeux, nous fîmes le long trajet de retour vers notre voiture. En escaladant une montagne extrêmement raide le long du sentier, nous aperçûmes une petite maison de terre. Mon corps réclamait une petite pause et je me dis que cette maison devrait être une maison baha'ie, où les guerriers de Bahá'u'lláh d'aujourd'hui et de l'avenir, pourraient se reposer en allant et en revenant de Zoquiapan. Je dis à Trina, "cette maison est sûrement une maison baha'ie", et en petit soldat courageux, Trina marcha jusqu'à la porte avec un joyeux "Buenas tardes"

L'homme qui sortit de la maison était spirituellement mort. Ce fut uniquement par courtoisie qu'il toléra notre intrusion, mais comme nous étions fatigués et que Trina était enthousiaste, nous nous assîmes et lui transmîmes le message baha'i. Le petit bonhomme était assis le regard éteint et les oreilles bouchées. Il nous apprit qu'à la mort de sa femme, sa vie n'avait plus de sens et que même son corps l'abandonnait. On pouvait lui donner quatre-vingts ans. Comme mon coeur soupira après le pauvre malheureux ! A chaque pause ou question, il répondait, "Si" (oui) et quoique je voyais bien qu'il n'avait rien entendu ni compris, je n'intervenais pas. Je pensais qu'on avait fait une erreur en nous arrêtant à sa maison. Finalement, comme il était d'accord avec tout ce que Trina disait, celle-ci lui demanda s'il ne voulait pas être lui aussi baha'i.

Comme dès le début, il dit évidemment oui. Quand Trina lui demanda son nom, il montra son premier signe de vie. C'était visible qu'il prenait conscience qu'il s'engageait dans quelque chose qui lui était totalement inconnu. Que je me fusse retenu pour ne pas intervenir ne peut s'expliquer que par les mots, "Tous sont Ses serviteurs et tous dépendent de Son commandement." Cette expérience restera un des mystères de ma vie, car je pense qu'il est très important de s'assurer absolument que le nouveau croyant comprend la réalité de la venue de la Gloire de Dieu, Bahá'u'lláh. C'est seulement si une âme accepte et croit vraiment cette vérité qu'il peut être reconnu comme un vrai baha'i. Par la suite, ce que Sa plume a révélé, viendra aussi naturellement que de nouvelles plantes poussent après la pluie du printemps.

L'homme expliqua qu'il ne pouvait ni lire ni écrire. Mais Trina lui dit que Dieu voulait seulement son coeur et qu'elle pouvait signer la carte pour lui. Alors, il donna son nom avec beaucoup de réticence. Mon coeur était si rempli de tendresse et de compassion pour ce petit homme vide que je me levai et avec beaucoup d'amour, je le pris dans mes bras en lui disant combien il était aimé et combien on avait besoin de lui, et que désormais, ensemble avec nous tous, il pouvait aider à bâtir un nouveau et beau monde dans la Cause de Dieu. A son tour, Trina lui prit chaleureusement la main et lui souhaita le bienvenu parmi les Bahá'ís dans le même esprit d'amour et de tendresse. Pour la première fois depuis que nous étions chez lui, il reprit vie et nous fûmes témoin de la résurrection d'un merveilleux enfant de Dieu. A ces preuves d'amour et de chaleur, il répondit, "Attendez, juste une minute, je veux vraiment être Bahá'í mais le nom que je vous ai donné n'est pas le mien. Je veux que vous écriviez mon vrai nom sur cette feuille de papier."

A notre suivante visite, ce petit homme courut nous accueillir sur le chemin, les yeux brillants, Lorsque je lui demandai, "voulez-vous toujours être Bahá'í ?" il répondit, "Oh oui, et j'ai déjà commencé à parler à mes voisins du nouveau Messager de Dieu" Lors de cette seconde visite, nous lui offrîmes une petite carte du Plus Grand Nom; dessiné par des amis artistes très dévoués. Il le prit et lui donna un baiser affectueux, et nous assura qu'il allait le placer dans sa maison à l'endroit le plus honoré à côté de sa Sainte Guadaloupe. Sa belle fille, expliqua-t-il, qui était supposée lui lire les prières, les lisait toute seule. Il avait donc dû lui reprendre son livre de prières.

Nous rencontrâmes ensuite sa belle-fille, Pascuala, habillée de haillons et laborieusement occupée à écraser du mais. Je goûtai de sa part la réalité de la sincérité dans l'amour de Dieu. A chaque fois qu'elle prononçait le mot 'Dieu' - elle ne se contentait pas de mentionner Dieu - elle le disait avec tant d'amour, tant de respect, tant de révérence et tant de sincérité que cela me pénétrait de la plante des pieds jusqu'au sommet de la tête. Des larmes coulant de mes yeux, je m'écriai du tréfonds de mon âme, "Oh mon Dieu, je me présente ici comme un enseignant alors que c'est plutôt moi l'élève.

En outre, qui sont les vrais pauvres ? Certainement pas cet ange devant moi, démuni du strict minimum - c'est plutôt nous, qui sommes du monde." Je serais très heureux de renoncer à toute autre richesse si cela pouvait me faire acquérir cette sincérité et cette pureté d'esprit innées chez elle. Elle nous expliqua combien elle croyait en Bahá'u'lláh et combien elle aimait les prières. Mais elle avait peur de signer sa carte parce que son mari la frapperait, Je lui dis de ne pas s'en faire, que la carte n'était qu'un symbole et que ce qui importait était ce qu'elle croyait, ce qu'elle avait dans son coeur. Je lui offris un livre de prières. J'aurais souhaité que vous, cher lecteur, vous puissiez connaître, ne serait-ce qu'un soupçon de l'amour de cette âme pour Dieu, car je suis sûr qu'il aurait été une révélation pour vous comme cela l'a été pour moi.

A notre suivante visite dans le village, Pascuala nous expliqua que bien qu'elle craignît son mari, elle craignait davantage Dieu et elle insista pour signer sa carte. Puis elle se mit a ranger ses haillons, nous informant qu'elle allait se sauver avec nous pour échapper aux coups de son mari. Ne nous sommes pas mis la dans une fâcheuse situation ? Nous lui expliquâmes avec beaucoup d'amour l'importance de l'unité et spécialement, l'unité dans la famille, que le but de la Cause de Dieu est d'unir les personnes et non de les diviser. Elle resta donc pour Dieu. Nous apprîmes plus tard que son mari, non seulement, ne l'avait pas battue mais est lui aussi devenu un fervent croyant en Bahá'u'lláh.

Au printemps, je dus aller dans le nord pour des raisons professionnelles et à mon retour à Oaxaca, les joues de notre petit monsieur s'étaient arrondies, sa démarche était alerte et il avait l'air d'un jeune homme de trente ans. Comme il nous accueillit avec amour ! Et de surprise en surprise, en entra dans sa maison, qu'est-ce que je vis, Gadalupe avait disparu et seul le Plus Grand Nom ornait son mur. Nous avions alors trente-quatre amis Bahá'ís dans le pueblo de Zoquiapan et l'histoire de chacun d'eux ressemble à celles rapportées ci-dessus. Comme `Abdu'l-Bahá nous l'a promis, des amis vinrent frapper à notre porte pour se déclarer. Dans l'Etat d'Oaxaca, nous avons enregistré 125 déclarations en environ douze mois d'enseignement actif.

9) EPOQUE 9

Un jour, par une belle journée au ciel bleu, j'informai Trina que nous irions le jour suivant à San Jeronimo Taviche. Nous n'y étions jamais allés encore, mais on nous avait dit qu'il nous fallait prendre le train pour nous y rendre. Le voyage le lendemain fut sans histoires, nous n'eûmes même pas l'opportunité de parler des bienfaits de Dieu avec personne. A notre arrivée, aucun village n'était visible, il n'y avait qu'une gare de train, Le conducteur nous dit que Taviche se trouvait à un demi-kilomètre au bout du chemin mais que nous n'aurions pas le temps de le visiter puisque le train allait retourner à Oaxaca immédiatement après avoir déchargé.

J'eus le sentiment d'avoir couru après un mirage, Je m'en allai jouer avec les enfants pendant que Trina parlait avec le conducteur. Je ne me doutais pas de la mine d'or que nous allions découvrir au bout de notre course au mirage. Comme nous étions assis dans le train pour rentrer à Oaxaca, Trina dit, "vous savez ce que ce conducteur m'a dit ? I1 a dit que personne ne se préoccupe du tout des gens de Taviche."

Rien d'autre n'aurait pu toucher mon coeur si profondément que cette déclaration, Je dis à Trina qu'on devait retourner là-bas. Ne serait-ce que pour dire à ces personnes que nous les aimions et que tous ceux qui aimaient Dieu à travers le monde se souciaient réellement, véritablement, d'eux, même si pour ce faire, il nous faudrait marcher quinze kilomètres jusqu'à la route pour avoir le transport jusqu'à Oaxaca. La décision fut prise.

Quelques jours plus tard nous reprîmes le train pour Taviche. Chemin faisant vers le village, Trina voulut savoir comment nous allions aborder des étrangers pour leur dire que nous les aimions. Je l'assûrai que ce serait très facile, car Dieu nous guiderait. Je remets toutes mes affaires entre Tes mains. En approchant de la ville, Trina, une fois encore demanda comment nous allions nous y prendre. Jamais de ma vie n'avais-je été aussi sûrement et fortement guidé, lorsque je montrai du doigt un bâtiment devant nous en lui disant que nous allions commencer par la. ·

Nous fûmes accueillis à la porte par un très beau jeune homme qui avait l'air de nous attendre. Il nous invita à entrer, nous donna des chaises et, lorsque nous fûmes assis, nous demanda ce que nous voulions. Je répondis que nous étions venus parler de Dieu. Il m'interrompit aussitôt, "une minute, je vais vous dire pourquoi vous êtes là. Vous êtes venus me parler d'un nouveau Messager de Dieu et partager avec moi Son message." Trina et moi en étions pantois. Non seulement accepta-t-il immédiatement et spontanément la personne et la cause de Bahá'u'lláh, mais il ajouta qu'il avait attendu cela toute sa vie. Instruit, il avait étudié un certain nombre de sectes et dénominations. mais n'en avait accepté aucune. Il expliqua que la nuit précédant notre arrivée, il nous avait vus dans un rêve et qu'il avait été averti du but de notre visite et de notre mission. Par conséquent, il n'était pas allé au travail, il s'était préparé pour nous accueillir. Peut-on, si on est de bonne foi, nier que Dieu est de nous après avoir lu ceci ?

Notre nouvel ami s'appelait Efren. Il réclama des livres à lire pour savoir ce que son Bien-Aimé attendait de lui. Nous lui promîmes de lui apporter des livres la prochaine fois que nous retournerons là-bas. Nous allâmes ensuite dans Taviche, mais ne rencontrâmes plus d'amis. Par ailleurs, nous n'avions jamais été reçus avec autant d'animosité que dans cette ville. La haine et la suspicion alourdissaient l'atmosphère. Nos coeurs réchauffés par la victoire obtenue auprès d'Efren et le corps brûlé par les virulents rayons de soleil, nous quittâmes Taviche.

Nous n'allions plus jamais revoir Efren. Suite à une courte maladie de trois jours, il décéda. Cinq jours avant qu'il ne tombe malade, nous étions allés dans le village pour lui donner les livres demandés, mais nous l'avions pas vus parce qu'il était parti travailler dans ses champs. Il avait écrit de sa propre main sur la page de garde de chaque livre. "Merci à Dieu, le Seigneur de l'Eternité". Sa mère nous dit que dans ses derniers propos, il avait dit qu'il donnait sa vie pour le peuple de Taviche. La transformation dans le village fut presque instantané. L'animosité se transforma du jour au lendemain en amour et amitié. Le village compta bien vite quinze croyants, dont la plupart étaient de la famille de ce jeune homme.

Plusieurs années plus tôt, lorsque j'étais à Unalaska, j'avais commis une erreur regrettable grave en ce qui concernait les enfants du village. Dés notre arrivée, les enfants avaient conquis mon coeur. Mais mon raisonnement erroné était qu'il valait mieux enseigner les parents d'abord et les enfants après. Par conséquent, ce fut un Bahá'í nouvellement déclaré qui commença les classes pour les enfants et moi je lui apportai mon assistance. Ces enfants sont parmi ceux qui, aujourd'hui, acceptent la Foi.

Je réalisai brusquement un jour que ces mêmes enfants qui m'avaient suivi dans la rue, me tenant par la main et m'appelant Papa, avaient alors entre 15 et 24 ans. Je jurai alors que plus jamais je ne ferais la même faute. Désormais, je commence par les enfants et pendant qu'ils font du coloriage et jouent, si j'ai du temps, je conduis la classe pour les adultes. Quelle joie à faire cela ! Dans la ville de Santo Domingo Tomaltepec, ma classe était passée à plus de 150 élèves. Chaque soir à mon retour du village. je levais mes bras au ciel et m'écriais, "Oh Dieu, mon Dieu, accroît mon étonnement à Ton égard !"

Dans un village, il n'y avait que deux croyants, deux vieilles femmes, qui ne savaient ni lire ni écrire. Que je me faisais du souci pour ces précieuses âmes que je devais laisser dans cette ville où les habitants et le clergé étaient connus pour leur féroce opposition à tout ce qui est nouveau ou différent. La nièce de ces deux femmes me rapporta comment elles avaient affronté avec bravoure et fermeté les attaques ouvertes et vicieuses du village entier. La jeune femme, après nous avoir expliqué l'enfer que les hommes avaient fait subir à ses tantes, se déclara et en une semaine, le nombre des croyants Bahá'ís de ce village passa à quinze. Tout ce que les deux femmes purent dire lorsque je retournai les voir fut, "Oh, Don Jenabe, c'est si difficile d'être un Bahá'í et d'aimer ses voisins quand ceux-ci sont si méchants. "N'est-ce pas là la preuve vivante de la présence de Dieu comme Bahá'u'lláh l'a déclaré, Je suis plus près de vous que la veine de votre coeur. ?

Peu importe le temps que nous mettons à apprendre et approfondir les enseignements glorieux de Bahá'u'lláh, nous serons toujours stupéfiés par l'immense pouvoir contenu dans la parole révé1ée. Un jour, un jeune homme très brillant me dit après m'avoir écouté expliquer la Foi, "la religion, c'est la vie, c'est très important. On doit l'étudier pendant des années. J'aime Baha'i, je pense que c'est beau. Peut-être deviendrai-je Bahá'í après avoir consacré plusieurs années d'étude aux enseignements".

Je lui dis que c'était merveilleux ce qu'il disait parce que l'un des principes de la Foi est justement la recherche personnelle et individuelle de la vérité. Il demanda ensuite à voir le livre de prières baha'ies. Après avoir lu une des prières révélées par Bahá'u'lláh, sa première réaction fut d'exprimer son émerveillement et son étonnement, et des larmes suivirent. Quand il s'était calmé, je le regardai et dis, "Que pensez-vous ?" Il répondit, "Dites, j'ai assez étudié, je sais que ceci vient de Dieu et je suis prêt pour devenir un Bahá'í sur le champ.

10) EPOQUE 10

Une fois, je suis allé dans la réserve des Indiens Seri en compagnie d'un croyant Mayan. Les Seris sont très primitifs. Leur hostilité était connue, mais puisque leur réserve était un but du Plan de Neuf ans, il fallait tenter quelque chose. Nous nous étions rencontrés, mon compagnon Mayan et moi, à Mexico et avions voyagé et enseigné dans tout le nord. Comme d'habitude, nos seules ressources au cours du voyage, étaient notre foi et notre confiance en Dieu, convaincus que Dieu tient toujours Sa promesse.

Notre route aboutissait à Kino, qui n'avait eu aucun contact avec la civilisation occidentale. Nous nous arrêtâmes pour demander notre chemin. Deux indiens se dirigèrent vers nous, tous deux portant les cheveux longs, très différents des indiens mexicains que nous connaissions. L'un portait un ruban rouge autour de la tête, une jambe couverte par son pantalon et un morceau de tissus sur l'autre jambe, une paire de lunettes noires (bien, disons, presque, un verre étant complètement absent et le deuxième n'étant qu'un morceau de verre dentelé) et un sourire merveilleux. Leur sauvagerie était manifeste, comme un daim ou un faon qui était curieux mais qui était prêt à fuir à l'instant.

Je demandai à l'un s'il pouvait nous servir de guide jusqu'à Desenboque, le village principal Seri, mais il ne pouvait pas, parce qu'il était en bateau, Il m'invita toutefois à lui rendre visite dans sa maison à Santa Rosa. Ce village était à 90 kilomètres dans la brousse sans route qui le desservait ce qui veut dire que nous avions besoin d'un guide. Mais les coeurs remplis de l'amour de Dieu et les prières coulant de nos lèvres, nous nous mîmes en route, comptant sur Dieu pour nous guider.

Je me contentai de suivre des traces de pneu dans le sable; et chaque fois que nous arrivions à un point où les traces déviaient les unes des autres, "nous disions" "Yà Bahá'u'lláh-Abha !" - et prenions le mauvais chemin. Nous qui nous croyions guidés - pendant douze à quatorze heures, nous distribuâmes des pamphlets dans chaque ranchero entre Kino et Punto Chueco. Pas une seule fois n'avions-nous pris le bon chemin. Tard, le soir, nous arrivâmes à Santa Rosa mais, à notre surprise, il n'y avait pas de village, même pas une maison, rien qu'une plage déserte. Juste à ce moment, nous entendîmes notre premier jeep de la journée, et courûmes l'intercepter.

Ma première question au chauffeur fut, "où est Santa Rosa ?"

I1 répondit, "Vous venez d'en sortir"
"Mais", criai-je, "personne ne vit là-bas."
"Qui vous a dit que quelqu'un y vivait ?"

"A quelle distance se trouve Desenboque ?" demandai-je, changeant de sujet.

"A soixante-dix kilomètres," répondit-il.

"Oh, mon Dieu !" dis-je. "Je pense qu'il faut retourner à Kino parce que mes deux réservoirs sont presque vides."

"Cela ne sera pas nécessaire," expliqua-t-il. "Il vous suffit de tourner à gauche, de remonter droit devant vous jusqu'à la plage - l'endroit s'appelle Punto Chueco. J'achète du poisson aux Seris, et vous demanderai à mon garçon de vous vendre l'essence au prix de Kino."

Maintenant je vous pose la question - sont-ils tous Ses serviteurs ou pas ? Et ne dépendent-ils tous pas de Son commandement ?

Je remerciai cet homme et ainsi fis un crochet par Punto Chueco, et, qui était là à nous attendre si ce n'était mon homme sauvage du matin ! Premièrement, mon ami Mayan, Celestino, commença à transmettre le message à plusieurs Seris qui étaient venus vers nous pendant que je faisais le plein, ensuite le sauvage arriva et dit, "venez avec moi" Je le suivis sur la plage sur plusieurs kilomètres jusqu'à un autre grand groupe de Seris, à qui je parlai de l'arrivée de Bahá'u'lláh. Nous dormîmes sur la plage et aux premières lueurs de l'aube, José (mon nouvel ami Seri) qui était absorbé dans l'observation de mon matelas me réveilla. Il dit, "Je vais aller à Desenboque avec vous".

Nous partîmes ensemble, cahotant sur la plage. Ensuite survint une étrange chose. Je me mettais à parler de Bahá'u'lláh, puis Celestino enchaînait - et sur soixante-dix-sept kilomètres, nous parlâmes, parlâmes et parlâmes sans cesse, mais ce qui était étrange est que José ne dit mot, pas une question ni même un seul commentaire. Sa seule contribution fut "tournez ici", "tournez là", "allez tout droit." Celestino et moi avions fait le tour de tous les Ecrits Bahá'ís, j'en suis sûr, de Shaykh-Ahmad-i-Ahsa'i jusqu'à Shoghi Effendi, sans oublier le Plan divin et l'Ordre administratif baha'i, cependant, notre ami Seri n'intervint pas une seule fois dans la conversation.

Sitôt arrivés à Desenboque, les indiens s'attroupèrent autour de la voiture, commencèrent à la secouer et apparemment voulaient la renverser. Notre José disparut, Celestino et moi sautâmes à terre en nous disant qu'il serait plus facile pour nous de nous remettre debout que de redresser la voiture. Les indiens s'assemblèrent aussitôt autour de nous, l'air hostile. Mes premiers mots furent, "Nous sommes venus vous parler de Dieu."

Une fois encore, comme si on renversait l'eau, l'hostilité s'estompa complètement et les voix s'élevèrent en choeur, "Oh, parlons de Dieu." A la fin, nous reçûmes six invitations à retourner parler encore de Bahá'u'lláh, et nous distribuâmes de la littérature. Grâce à ces invitations, nous avions des amis et des endroits où aller et ainsi, les Seris étaient ouverts à la Foi de Dieu.

Sur notre route de retour vers Kino, nos coeurs étaient heureux, mais nous ne parlâmes plus guère. José, égal à lui-même, reprit, "tournez ici", "tournez à gauche", "allez tout droit". En approchant de Punto Chueco (chez lui), je pensai, "Mon ami José ne doit pas être très brillant." Je ne fis que penser cela sans rien dire à haute voix, José parla alors, "C'est vrai. Je ne suis pas le plus brillant des Indiens Seris. Il y a beaucoup d'Indiens qui sont plus intelligents que moi. mais je m'en vais vous dire quelque chose. Je sais quelque chose qu'aucun autre Indien Seri ne sait. C'est vrai ce que vous avez dit de Bahá'u'lláh et je sais qu'Il est réellement un Messager de Dieu. Aucun autre Séri ne sait cela."

J'arrêtai la voiture, la gorge nouée, l'âme consternée. Se peut-il que ce garçon apparemment simple d'esprit ait lu dans mes pensées ? Qui plus est, nous avions là notre première déclaration Seri. De surprise en surprise, je lui demandai s'il croyait vraiment en Bahá'u'lláh comme le nouveau Messager de Dieu et s'il voulait être baha'i. I1 nous assura avec enthousiasme que oui.

"Toutefois", dit-il, 'j'ai une question très importante à poser."

"Je vous en prie, posez toutes les questions que vous voulez."

"Voilà, j'adore boire. Quand je suis saoul, je suis content. Je préfère m'enivrer d'alcool plus tout au monde. Qu'est-ce que nous les Bahá'ís nous croyons concernant boire ?"

Il tenait alors la carte de déclaration dans la main. Je retirai la carte de sa main et répondis, "Dieu t'aime beaucoup, énormément beaucoup, beaucoup plus qu'une mère n'aime ses enfants. De ce tendre amour que l'homme ne peut jamais comprendre, Il veille sur nous, Ses enfants, et Il nous voit nous saouler. Il savait bien avant même que la science ne le découvrît, que l'alcool détruit notre esprit, notre foie et notre santé en général - que l'alcool est mauvais pour nous.

Il nous voit aussi gaspiller de l'argent, dont nos femmes et nos enfants ont besoin pour se nourrir et s'habiller. Il nous voit saouls et nous battre avec nos amis et voisins, faisant de ceux que nous devrions aimer des ennemis. Il voit tout cela et en Père tendre et affectueux qui guide Ses enfants, Il dit : 'Oh ! Mon fils que j'aime tant, pour ta bonne santé et ton bonheur, s'il te plaît, ne boit pas parce que l'alcool va te détruire.

José se perdit quelques minutes dans la méditation, puis, avec un sourire très chaleureux, il dit, "C'est bien, très bien" - et réclama sa carte.

Je demandai à Celestino de lire une prière, après quoi, notre nouveau frère Bahá'í arracha le livre de prières des mains du Mayan et lut de sa plus belle voix une prière de Bahá'u'lláh. Ce fut pour moi la confirmation que moi seul mérite la qualification d'ignorant sauvage, car une fois encore, j'ai appris beaucoup de nos prétendus frères

primitifs.
11) EPOQUE 11

En l'an 128 E.B., la Maison universelle de Justice lança un appel pour des enseignants itinérants internationaux, Je répondis immédiatement. Elaine, ce Chevalier de Bahá'u'lláh au coeur pur et désintéressé. avait des difficultés avec la langue et les coutumes du Mexique. Il n'y avait pas d'école pour les enfants dans la région où je travaillais, Puisque je devais souvent m'absenter pendant de longues journées - voire des mois pour aller enseigner dans des endroits très éloignés du Mexique, ma famille avait du mal à tenir le coup seule dans cet environnement culturel étranger. La réponse de la Maison universelle de Justice fut que je devais rester au Mexique.

A nouveau, je ne pus que dire, "je désire de tout mon coeur sacrifié quelque chose pour la Cause de Dieu. Aucune année de ma vie n'a été aussi fructueuse que celle-là en terme de déclarations recueillis - des centaines - ou de distances parcourues. Je dormais sous une petite tente et voyageais de village en village. Chaque soir, ma maison était la où je me trouvais. J'ai enseigné à travers toute l'Amérique centrale sur mon chemin vers la Conférence intercontinentale de Panama. Chaque jour, des miracles similaires à ceux que j'ai déjà décrits, se produisaient. Je n'en mentionnerai que quelques-uns sortant de l'ordinaire.

Nous étions dans un petit village d'Oaxaca appelé La Fé (qui veut dire "La Foi'), où nous venions de projeter le film intitulé, On l'appellera l'Unique, en version espagnole. Deux jeunes personnes et un couple Mayan m'accompagnaient cette nuit-là. Le film, le tout premier que les populations de ce village voyaient de leur vie, terminé, les garçons rangeaient l'équipement quand je notai dans la foule un mouvement inhabituel : tous les hommes, les enfants y compris, avaient des machettes. L'un d'eux, le porte-parole, se mit devant le groupe et demanda que je projette encore le film. Je lui fis remarquer qu'il n'y avait plus d'essence pour faire tourner notre groupe électrique et que c'était impossible de leur remontrer le film.

"Vous allez nous montrer encore ce film sinon nous allons vous hacher avec nos machettes." Ils agitèrent leurs machettes au dessus de leurs têtes en hurlant,

"Yea ! Yea ! Yea !"

Le couple Mayan courut s'enfermer dans la voiture.

Je répondis, "Vous n'avez qu'à commencer à me mettre en morceaux sur le champ", et calmement m'assis là devant eux.

Le chef alla conférer avec les autres et revint déclarer, "Montrez-nous le film sinon nous allons couper votre voiture et vous ne pourrez plus partir tout le monde répéta en choeur les gestes avec les "Yea ! Yea ! Yea !"

Ma réponse fut la même.

Retour à la conférence, et cette fois-ci, le porte-parole revint et d'une voix douce, dit, "Si vous voulez bien nous montrer encore le film, nous allons tous devenir Bahá'ís." Une fois encore, ils levèrent tous leurs machettes et crièrent à l'unisson, "Yea ! Yea ! Yea !"

Je leur dis, "Mes amis et frères, je ne peux pas montrer le film parce que je n'ai plus assez de gazoline pour le groupe électrique mais, même si je pouvais montrer le film, je ne le ferais pas dans les circonstances actuelles. La croyance en Bahá'u'lláh naît dans le coeur et l'âme. Elle n'est pas conditionnée par la projection d'un film. A l'avenir, si l'un de vous croit véritablement au nouveau Messager de Dieu, nous l'accepterons les bras ouverts dans la Cause de Dieu." Sur ce, je pliai mes table et chaise et me retirai sous ma tente pour dormir. Ce n'était pas l'unique fois que je fus menacé. Une fois, je fus arrêté et jeté en prison, et de cette manière, il me fut possible de proclamer le Message de Bahá'u'lláh à une ville entière, ce qui aurait été impossible autrement.

A une autre occasion, dans la ville d'Ixtepeji à Oaxaca, où j'avais eu dans le passé des ennuis avec l'église et d'autres personnes, après avoir montré le film et parlé de Bahá'u'lláh, l'assistance resta assise pendant un long moment comme s'ils étaient en transe, Plus tard, pendant que j'étais sous ma tente sur le point de m'endormir, les cloches de l'église se mirent à sonner et très vite, je pus distinguer clairement l'attroupement qui se faisait autour de ma tente. Je pensai, "Oh, oh ! Il se prépare quelque chose." Mais quelle ne fut ma surprise lorsqu'ils se mirent à chanter ! Ils chantèrent toutes les chansons religieuses qu'ils connaissaient là-bas, dans les hautes sierras, la montagne illuminée par la pleine lune et ils étaient tous rassemblés autour de ma tente, me chantant l'Amour de Dieu et leur Amour pour Dieu, Mon coeur plaide pour vous, oh, mes amis, abandonnez vos demeures de poussière afin de pouvoir goûter vous aussi aux délices de ce paradis de confirmation pendant que vous êtes encore sur cette terre !

Au Yucatan, les victoires obtenues nous émerveillèrent - trente deux déclarations en une soirée. Le plus grand nombre de déclaration jamais enregistré avant en une seule soirée était dix-neuf; ce fut à Oaxaca.

J'étais presque au bout de ma tournée dans le sud-est du Mexique lorsque je reçus une lettre du Comité international des Buts qui me demandait de faire un crochet par l'Afrique en allant à Haïfa pour l'élection de la Maison universelle de Justice. J'étais délégué par l'Assemblée spirituelle nationale du Mexique pour cette élection à Haïfa. Il me restait à couvrir la partie nord du Mexique et j'étais très occupé.

Je voulais aussi passer un peu de temps avec ma famille avant de partir pour l'Iran et Haifa. Je jetai donc la lettre dans ma valise en me disant que cela n'était pas possible. Cette nuit-là, après la projection du film, le moteur tomba de ma voiture - le premier ennui de ce genre sur des milliers de kilomètres déjà parcourus. Une coïncidence ? Peut-être, mais lisez la suite. La nuit suivante, la dernière ampoule du projecteur fut consumée. Alors ? J'empruntai un projecteur à l'Ambassade américaine du Yucatan et leur demandai de nous fournir des ampoules. Plusieurs nuits plus tard, on vola dans ma voiture un film, des bobines et mon équipement. C'était la fin définitive du cinéma. Couché sous ma tente cette nuit-là, je dis, "D'accord, Bahá'u'lláh, j'ai compris le message. J'irai en Afrique." A mon arrivée à Mexico, je reçus un appel téléphonique m'informant que la plupart de mon équipement volé avaient été retrouvés.

12) EPOQUE 12

MA PREMIERE NUIT en Afrique de l'Ouest, il y eut deux déclarations dans une localité où il n'y en avait plus eu depuis quelque temps. Je vais résumer tout mon périple africain en deux récits qui rendront comptent de mon expérience en Afrique.

Au Togo, nous venions de parcourir des kilomètres et des kilomètres à moto sous le soleil ardent quand je demandai à mon hôte si nous pouvions nous arrêter au prochain village pour une demi-heure de pause à l'ombre, vu que nous étions en avance sur notre prochain rendez-vous. Nous nous arrêtâmes donc et naturellement, aussitôt que nous nous mîmes à l'ombre, des enfants et quelques adultes nous entourèrent. Personne parmi eux ne parlait ni anglais, ni espagnol, ni français, ils ne parlaient que l'ewe. Je me mis à chanter cette petite chanson où il est question de taper les mains, taper du pied et dire Allah'u'abha. Tout le village se retrouva bientôt sous l'arbre en train de chanter. Je n'oublierai jamais le tableau au moment de notre départ après les trente minutes de pause - tout le monde, hommes, femmes et enfants, debout, le visage rayonnant de joie, chantant Allah'u'Abha, de cette voie mélodieuse qu'ont les Africains, et agitant la main pour nous dire au revoir. Oui, pour moi, cela vous parle de l'Afrique.

Un autre incident eut lieu en Afrique, que j'aimerais partager avec vous. J'ai rencontré un couple de pionniers au Nigeria. Ils étaient très jeunes, encore des enfants pratiquement, mais oh, quels enfants ! De véritables enfants de l'Arc cramoisi, du Royaume d'Abha. Le jeune homme venait d'obtenir son diplôme en éducation et ils écrivirent au comité approprié pour partir servir comme pionniers n'importe où dans le monde où ils pourraient trouver du travail. Le comité leur répondit qu'il serait préférable qu'ils aient acquis au préalable un peu d'expérience.

Ils trouvèrent du travail, un appartement et tout le reste, puis, lorsque tous les détails de leur entre dans la vie active furent arrangés, ils reçurent leur invitation à partir en pèlerinage et les voilà en route pour la Terre du désir de leurs coeurs. Sur place, ils rencontrèrent les membres de la Maison universelle de Justice et leur parlèrent de leur désir de partir comme pionniers. Après consultation avec ce corps, ces vaillants combattants de Bahá'u'lláh, allèrent négocier leur ticket retour aux Etats-Unis à la compagnie aérienne pour un aller simple pour Lagos au Nigeria. Voilà assurément un bel exemple de courage, de dévouement et Je remets toutes mes affaires entre Tes mains. Au cours du voyage vers le Nigéria, où ils ne connaissaient personne, ils prirent peur - ils priaient quand un inconnu se dirigea vers eux.

"Où allez-vous ?" demanda-t-il.
"Lagos, Nigéria," fut la réponse.
"Qu'allez-vous faire là-bas ?"
"Chercher du travail"
"Quel est votre métier ?"
"Je suis enseignant" dit l'homme.

"Merci Dieu," s'exclama l'inconnu. "Je travaille pour la plus grande école américaine du Nigéria et nous cherchons désespérément des enseignants."

Ainsi, le travail, l'appartement et la voiture leur étaient garantis. Ils n'avaient plus qu'à s'inquiéter du véritable objectif de leur voyage au Nigéria, qui était de servir la cause de Dieu. Ils contactèrent les Bahá'ís de Lagos et tous les soirs prièrent pour que Dieu les assiste afin d'atteindre les coeurs. Puis arriva une lettre de la part de qui, je ne le sais, les informant que j'arrivais pour leur montrer comment enseigner pour obtenir des déclarations de masse. Vous pouvez aisément imaginer l'excitation avec laquelle je fus accueilli. Nous décidâmes qu'il nous fallait un bon interprète pour commencer dans un endroit pas trop proche de la ville.

Tout ce que nous lisons et entendons dire de la pureté de coeur des Bahá'ís africains ne nous dit rien de ce qu'il en est dans la réalité tant qu'on ne les a pas rencontrés soi-même et qu'on n'en a pas fait l'expérience. Ces visages radieux comme le soleil et ces yeux, les fenêtres de l'âme, brillant comme des étoiles ! Mon coeur se gonfle d'amour au souvenir d'eux ! Peter, l'un de ces vrais croyants et soldats de la cause de Dieu dit, "allons dans mon village, je servirai d'interprète."

"A quelle distance se trouve ton village ?" demandai-je.

"A 480 km environ," répondit-il.

Il en fut décidé ainsi et la voiture remplie de prières, de chansons et de méditation, nous voilà en route pour apprendre à faire l'enseignement de masse. La prière unit nos coeurs battant d'amour les uns pour les autres, et nos chansons enthousiastes s'élevèrent, louant et glorifiant Dieu. La voiture semblait ne plus toucher la route et les kilomètres filèrent derrière nous. Nous nous arrêtâmes dans un petit village pour le repas de la mi-journée et j'en profitai pour transmettre le beau message de Bahá'u'lláh aux villageois qui affluèrent. Des maîtres d'école nous invitèrent à retourner leur enseigner davantage le nouveau et beau message divin. Lorsque les gens vous invitent à retourner leur enseigner en vous donnant leurs noms et adresses, cela veut dire que le village est ouvert à la cause de Dieu.

Très souvent, ceux qui sont les premiers à manifester de l'intérêt n'acceptent pas la Cause, mais Dieu nous guide toujours vers ceux-là dont les coeurs sont prêts. Toutefois, une fois encore, mes frères africains, avec amour, joie et rire, ne pas voulaient écouter mes suggestions, qui étaient de retourner sur place. Ils me firent monter en voiture et nous partîmes vers notre destination.

A notre arrivée, tout le monde sauf Peter et moi, partit dans le centre du village. Nous nous arrêtâmes dans la maison du chef (qui était parenté à Peter) pour une visite de courtoisie, et pour obtenir l'autorisation de tenir une réunion publique et faire les démarches pour la nuit. Le chef était enchanté, et comme il était un homme très intelligent et instruit, il se proposa comme interprète. En quittant la maison du chef, je dis, "Viens, Peter, passons par ici."

Peter, les yeux mobiles, répondit, "Mais, Caldwell, nous allons rallonger le chemin, je connais bien ce village, j'y ai grandi."

"Allons Peter, passons par ici quand même", insistai-je.

Finalement, comme on cède à un caprice d'enfant, Peter au grand coeur, partit avec moi dans la mauvaise direction. Chemin faisant, nous rencontrâmes trois femmes très belles, élancées, droites, élégantes, s'éloignant du centre du village.

"Oh Peter, Peter !" criai-je, "s'il te plaît, invite-les pour ce soir." Nous nous arrêtâmes et Peter les invita. Elles firent demi-tour et nous suivirent jusqu'au lieu de la réunion.

Avant la réunion, je priai avec toute la ferveur de mon coeur et de mon âme, "Je t'en supplie, ô Seigneur ! ce couple à tant donné et mes compagnons, mes frères spirituels sont si enflammés par Ta Cause ! Montre-leur comment gagner les coeurs."

Je commençai par transmettre le Message aussi véridiquement, clairement et simplement que je le pouvais, puis je demandai à l'assemblée de poser les questions. Que mon audience était éveillée et alerte ! Le coeur battant, je répétai le Plus Grand Nom avant de répondre. Merci Dieu, j'avais obéi a mon Gardien et avais étudié le Coran, Ils étaient pour la plupart des musulmans, On dirait qu'à chaque question, je savais instinctivement si l'auteur était musulman, chrétien ou animiste. Au début, le chef traduisait puis Peter prit la relève. Cinq heures durant, les questions fusèrent. A la fin, un homme se leva et dit, -votre réponse à cette dernière question, pour la première fois de ma vie, j'ai eu satisfaction en ce qui concerne Dieu et la religion et je veux appartenir à cette religion."

Nous enregistrâmes neuf déclarations cette nuit-là. Ensuite, pendant trois autres heures au domicile du chef, je m'entretins avec lui tout seul. Autant que je m'en souvienne, ses mots furent, "je me détournerais de mon Seigneur Jésus si je n'acceptais pas Bahá'u'lláh." Ce fut la dixième déclaration de la soirée.

A peine venions-nous de nous lever le lendemain matin que l'une des belles dames rencontrées la veille vint frapper à notre porte. Elle déclara "je suis restée éveillée à prier toute la nuit et je sais que votre message est vrai. Je l'accepte de tout mon coeur, ainsi que toute ma famille"

Evidemment, nous lui expliquâmes que sa famille doit venir se déclarer elle-même. Elle nous assura qu'à notre prochaine visite, il en sera fait ainsi.

Bien, si nous sommes arrivés en flottant, nous n'avons pas de mots pour décrire comment fut notre voyage retour. Quelle langue peut exprimer ma reconnaissance à Ton égard ? D'autres cas, tous différents, tous magnifiques, entièrement spirituels - s'ajoutèrent à ces deux exemples dans ce continent illuminé qu'est l'Afrique.

Je continuai mon voyage vers l'Iran, puis jusqu'à Haïfa et l'élection de la Maison universelle de Justice terminée, je rentrai au Mexique où j'eus le privilège de contribuer à la construction de l'Institut Amelia Collins à San Francisco Acatepec, dans l'Etat de Puebla. J'ai été directeur de cette école. Chaque jour fut une expérience unique, chaque étudiant, un bijou précieux, ayant juste besoin d'être poli dans l'océan des enseignements de Bahá'u'lláh.

EPILOGUE

Cette narration commença sous forme de rapport demandé par la Maison universelle de Justice. Il nous a été demandé en 120 E.B. d'envoyer les histoires des Chevaliers de Bahá'u'lláh, Je fis mon devoir en envoyant mon rapport, et par la suite, je reçus un mot de remerciements dans lequel il m'était demandé de le faire publier.

La première partie du livre couvre ma vie jusqu'en 126 E.B. (1970-71), A l'heure où j'écris cet épilogue, nous sommes en 146 B.E. (1991). Arrivé à la fin de votre lecture de la première partie, vous vous dites que Jenabe croit avoir réussi sa vie spirituelle.

En fait, pendant que je voyageais et que j'enseignais en compagnie de la Main de la Cause, Dr. Muhajir, il me demandait chaque jour de prier pour lui pour qu'il reste ferme dans la foi. Honnêtement, je ne le comprenais pas. Cet homme merveilleux, non seulement aimait Bahá'u'lláh mais, avait donné tout son souffle et chaque minute de sa vie à Lui, Le servant avec le plus grand dévouement. Et pourtant, il était préoccupé par son bien-être spirituel ! Il est vrai que j'ai à plusieurs reprises lu ce que Bahá'u'lláh disait concernant l'ignorance dans laquelle tout homme se trouve de sa propre fin et comment même le Bahá'í le plus dévot peut, au dernier moment de sa vie, tomber dans le feu éternel. Lire cela et le comprendre sont deux choses tout à fait différentes.

Après avoir fait l'enseignement de masse dans cinquante-quatre pays, je réalise pleinement en fin de compte que ce n'était pas Jenabe qui agissait. De qui sont ces enseignements ? De qui vient l'esprit saint ? De qui vient le concours céleste ? Qui nous envoie les âmes prêtes ? Qui nous guide vers elles ? Qui inspire nos coeurs de sa divine inspiration ? Bien entendu, chaque Bahá'í dira instantanément, "Bahá'u'lláh," `Abdu'l-Bahá nous a laissé un avertissement très explicite à ce propos(Voir Les Tablettes d`Abdu'l-Bahá, vol. 5).

Maintenant je sais ce que cela veut dire et comme Dr. Muhajir, je prie ardemment chaque jour de rester ferme dans ma foi baha'ie jusqu'à ma mort. En 133 E.B. (1978), mon mariage de trente-et-une années se solda par un divorce. Ce Chevalier de Bahá'u'lláh, formidable et dévouée, Elaine Caldwell, dont je considérais la présence à mes côtés tout au long de ces années comme un fait accompli, démissionna. Elaine est en vérité l'un des héros anonymes de la cause de Dieu. Cette femme est totalement désintéressée, qui jamais ne se plaint, qui se tient à l'écart de tout conflit et désaccord et qui vit la vie bahai'e par excellence. Si quelqu'un doit mériter le titre de 'Sainte', c'est bien Elaine Caldwell, un véritable Chevalier de Bahá'u'lláh.

Jusqu'alors, j'ai été intolérant à l'égard des Bahá'ís qui divorçaient. "Comment cela se peut-il ?" Je tempêtais, délirais, affichant une attitude de "plus saint que moi, tu meurs !" Maintenant, je sais et je comprends l'enfer et l'angoisse du divorce et mon coeur déborde d'amour et de tendresse pour ces âmes. Il n'y avait pour moi aucun moyen de comprendre l'enfer qu'elles ont vécu si je n'en avais pas fait l'expérience moi-même. Dieu seul sait combien j'ai souffert et ce que j'ai perdu et cela entièrement par ma propre négligence.

Ainsi, cher lecteur, je replongeai dans l'abîme noire et dans la désolation des ténèbres. Bien que mes péchés soient aussi nombreux que les grains de sable sur la plage, le pardon de Dieu, Sa grâce et Sa miséricorde sont aussi infinies que les gouttes du souverain océan, Les vagues de cette mer en se jetant sur le sable de la plage purifient le sable de toute souillure. Servir la cause de Bahá'u'lláh comme il Lui convient et où Il le juge nécessaire a été l'unique source de lumière dans ma vie durant cette période, La prière que j'adresse à Dieu pendant mes moments de profond désespoir a été exaucée. La voici :

Mon coeur et mon âme vibrent d'un tel élan vers Dieu que seuls ceux qui partagent le même festin céleste peuvent le concevoir. Et seul le Seigneur sera exhalté ce Jour-là. Bien que je marche sur cette terre, je n'en fais pas partie. Mon âme gravite dans un royaume où de tous côtés, on ne peut entendre que la Gloire de Dieu, et bien que je dise, "Des ténèbres à la Gloire de Dieu", ni la nuit ni le jour n'ont de sens dans cette réalité intemporelle, sanctifiée.

Le ciel est plus bleu, le soleil plus chaud, les fleurs plus parfumées et les couleurs de l'arc-en-ciel plus brillantes. J'ai émergé dans une nouvelle création. Une création dans laquelle le coeur et l'âne détiennent la suprématie, et le corps et l'esprit s'harmonisent dans la servitude pour la cause de Dieu et de l'humanité. Le monde ne connaît pas de joie semblable à celle-ci, car cette joie est complète.

Avec quelle ardeur l'humanité désire et recherche cette joie authentique ! Et pourtant, elle choisit les faux dieux du matérialisme qui ne la fait déboucher que sur le vide, ou au mieux, une jouissance temporaire qui ne dure que le temps d'un clin d'oeil. Je vous exhorte, chacun, de toute la force de l'amour que Dieu a mis dans mon coeur pour vous tous, du ciel de la magnificence et du délice, à venir avec moi, vous qui êtes tristes, vous qui êtes seuls, vous qui êtes aimés, dirigeons-nous vers l'océan de l'amour de Dieu et plongeons-nous dans la joie permanente et éternelle.

Des ténèbres à la Gloire, de l'obscurité la plus épaisse à la plus glorieuse lumière. Le coeur galvanisé pour l'action, chevauchant mon coursier de la fermeté dans Sa cause et totalement dévoué, je prends mon élan.

Mon gardien bien-aimé, Shoghi Effendi, a inscrit nos noms comme Chevaliers de Bahá'u'lláh, à être déposés au Tombeau de Bahá'u'lláh. Sur la carte qu'il avait avec lui à Londres au moment où il s'est envolé pour le Royaume d'Abha, le Gardien bien-aimé a, de sa propre main, mentionné notre but dans les Iles Aléoutiennes comme un accomplissement capital de la Croisade de Dix ans. Mon coeur est anéanti et des flots de larmes coulent de mes yeux à la petitesse de nos accomplissements. Je fais le voeu de tout mon coeur, mon âme et mon pouvoir, de me montrer digne, si cela était possible et par la grâce de Dieu, de ce grand honneur qui nous a été

conféré.

Alors, les chevaliers du Seigneur, assistés par Sa grâce venant du ciel, fortifié par la foi, aidés par le pouvoir de la compréhension et renforcés par les légions du Covenant, se lèvent et rendent manifeste la vérité du verset, "Voyez comme la confusion s'est emparée des tribus des vaincus." (L'Ordre mondial de Bahá'u'lláh)


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